« On ne parle pas assez de nous. On commence juste à émerger », martèle Stéphanie Bottreau. C’est la raison qui a poussé cette cheffe itinérante dans le vignoble à lancer son podcast « Des Elles en Cuisine », dans lequel elle a interviewé des femmes cheffes, vigneronnes, artisanes, pâtissières, mais aussi blogueuses ou productrices. « Elles sont tellement inspirantes », soutient-elle.
Où sont les femmes ?
« C’est parfois compliqué de trouver sa place en cuisine », confirme Élodie Pichard, cheffe du restaurant Côté Zinc sur la rive droite de Bordeaux. « Il faut être féminine et solide à la fois. Je pense que si je n’avais pas eu un caractère assez fort, je n’aurais pas trouvé ma place. » Elle qui a passé de nombreuses années dans plusieurs restaurants girondins n’a côtoyé que peu, voire pas, de femmes dans les différentes brigades : « Il faut se faire respecter sans agressivité ».
L’image de la femme fragile a, semble-t-il, la peau dure. « C’est en train de changer mais c’est vrai qu’il y a toujours des idées préconçues, continue Stéphanie Bottreau, et puis il y a le problème de la disponibilité. » Travailler en cuisine est parfois difficilement compatible avec une vie de famille. Plusieurs travaillent en couple, à l’instar d’Adeline et Marc Antoine Lepage, qui ont créé la Maison Nacre à Arès, et qui ont décroché leur première étoile.
Remplir la case « cheffe »
Intégrer les cercles de chefs est aussi compliqué : « J’aimerais que l’on me propose de participer aux grands rassemblements de chefs. J’essaie pourtant de représenter la gastronomie bordelaise », regrette Oxana Cretu, cheffe du restaurant Inima dans le centre de Bordeaux. Pour autant les femmes cheffes ne sont pas là pour parader. Oxana Cretu comme Élodie Pichard se sont déjà senties utilisées pour remplir la case « cheffe » dans certains collectifs ou rassemblements : « Je ne veux pas être stigmatisée en tant que femme, je suis cuisinière avant tout ! », insiste Élodie Pichard.
Pour autant, existe-t-il une cuisine féminine ? Oxana Cretu confirme une certaine féminité dans sa cuisine : « Il ne faut pas mal l’interpréter, sourit-elle, ma perception de la cuisine est différente de celle de certains chefs qui est très marquée, avec des goûts forts ».
Une impression confirmée par Élodie Pichard : « Certaines femmes font vraiment une cuisine très féminine, fine, colorée, avec des fleurs. Même moi qui suis plus brut de pomme, j’aime faire des tartares bien nets. Ils sont différents de ceux qu’on trouve en brasserie ».