De dissolution en censure, le projet de loi de simplification de la vie économique – pourtant examiné selon la procédure accélérée – peine à aboutir : d’une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2025, celle-ci est aujourd’hui reportée sine die. Le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat doit cependant faire prochainement l’objet d’un vote par l’Assemblée nationale.
Ce calendrier retardé est venu contrarier l’ambition de ce texte, qui souhaitait apporter des réponses pratiques et rapides aux entreprises pour leur permettre de faire face aux difficultés conjoncturelles. En matière de commande publique, ces contretemps ont toutefois pu être partiellement palliés par voie réglementaire, avec l’adoption de deux décrets à destination prioritairement des PME en vue de fluidifier leur accès aux contrats publics.
Nouveau seuil
D’une part, le décret n° 2024-1217 du 29 décembre 2024 prolonge jusqu’au 31 décembre 2025 le dispositif dérogatoire mis en place en 2022, fixant à 100 000 euros HT le seuil de dispense en-deçà duquel un marché public de travaux peut être attribué sans publicité ni procédure préalable de mise en concurrence. Il est donc encore permis aux acheteurs publics et aux entreprises de se départir, pour les achats de faible montant, du formalisme procédural imposé par le CCP, lequel peut parfois s’avérer disproportionné par rapport à l’enjeu de l’achat. Ce nouveau seuil – qui sera probablement pérennisé par la loi SVE – donne désormais une véritable portée pratique à cette dérogation, dont le montant initial de 40 000 € ne permettait que très rarement sa mise en œuvre effective ; ce seuil étant rapidement dépassé puisque calculé en considération de l’ensemble de l’opération de travaux.
D’autre part, l’accès à la commande publique a également été simplifié par le décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024, qui relève à 300 000 € le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants, mais uniquement pour les secteurs de la défense et de la sécurité, ce qui s’explique par le contexte international actuel.
Groupement d’entreprises
De manière plus pratique et marquant ici un assouplissement notable des principes jusque-là en vigueur pour la passation des contrats publics, le décret prévoit également la possibilité de constituer un groupement d’entreprises dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue, entre candidats invités à participer aux négociations ou avec les opérateurs aux capacités desquels les candidats souhaitaient avoir recours. En somme, il est désormais possible de transformer une candidature individuelle en groupement et ce jusqu’à la signature du marché, laquelle peut intervenir plusieurs semaines après la notification de la décision d’attribution.
Le décret prévoit la possibilité de constituer un groupement d’entreprises
De même, il est également possible, si la candidature a, dès l’origine, été présentée sous forme de groupement, d’en modifier la composition en cours de procédure sous réserve d’en faire la demande préalablement auprès de l’acheteur. Cette évolution témoigne d’une réelle volonté du gouvernement de prendre en considération les difficultés rencontrées par les entreprises pour constituer un groupement dès la remise des offres et/ou pour prévoir à ce stade la manière dont seront réparties les tâches liées à l’exécution du marché entre les cotraitants.
Retards de paiement
S’agissant de l’exécution financière des marchés, le décret réduit de 5% à 3% le montant maximum de la retenue de garantie applicable et ce pour l’ensemble des marchés conclus entre un acheteur public quel qu’il soit et une PME, dans le but de préserver leur trésorerie à court terme. Le remboursement des avances est également simplifié dans ce même but.
Il s’agit cependant des deux seuls sujets relatifs à l’exécution des contrats public abordés par ce décret, parmi les nombreuses revendications formulées par les entreprises, notamment quant à leur paiement. L’on déplore notamment – à l’heure où l’Observatoire des retards de paiement constatait dans son dernier rapport que les retards de paiement des personnes publiques s’étaient accrus en 2023 – que le sujet des intérêts moratoires n’ait pas été abordé dans ce cadre règlementaire ni dans celui du projet de loi SVE.
Ce n’est pourtant pas faute de proposition en ce sens, notamment formulées au titre du rapport « Rendre des heures aux Français » du 15 février 2024. Celui-ci suggérait d’une part, un alignement des taux d’intérêts moratoires des personnes publiques sur celui applicable aux personnes privées, en passant de 8 à 10 points au-dessus du taux d’intérêt BCE et, d’autre part, de faire courir les délais de paiement dès la réception de la facture et de rendre automatique l’application des intérêts moratoires en cas de retard de paiement de l’acheteur, de sorte que l’entreprise n’ait pas à les réclamer, ce qu’elle ne fait souvent pas.
Améliorer l’attractivité
Rien ne sert pourtant de faciliter l’accès à la commande publique, sans par ailleurs en améliorer l’attractivité.
Sur ce, certaines des évolutions proposées par le projet de loi SVE telles que validées par la commission spéciale de l’Assemblée nationale le 27 mars dernier, restent intéressantes pour les entreprises et il est souhaitable qu’elles soient entérinées à l’avenir.
Il est ainsi proposé d’ici le 31 décembre 2030, de rendre la plateforme de commande publique de l’Etat (PLACE) obligatoire pour l’ensemble des personnes morales de droit public ainsi que pour les organismes de sécurité sociale (à l’exception toutefois des collectivités territoriales et de leurs groupements). Une telle mesure aura pour effet de limiter la charge administrative de veille et de gestion des entreprises, qui sont aujourd’hui contraintes de soumissionner via chaque plateforme choisie par les acheteurs.
S’agissant des seuils, étendard de la simplification, le projet vient pérenniser le seuil de 100 000 € sus-évoqué, pour l’attribution de marchés de travaux en dehors de toute procédure de dévolution concurrentielle.
Le législateur a également entendu favoriser l’innovation et les start-up en relevant de 100 000 à 143 000 € HT le seuil en deçà duquel les pouvoirs centraux pourront attribuer un marché public de travaux, de fourniture ou de service innovant, en dehors de toute procédure concurrentielle.
En outre, pour favoriser la construction de logements, il est proposé d’étendre le recours au partenariat public-privé institutionnalisé en ne le limitant plus aux seules SEMOP et d’assouplir le régime des VEFA en les plaçant dans les « contrats exclus » visés aux articles L. 2511-1 et suivants du Code. Outre l’exonération de mise en concurrence préalable, ces contrats – qui demeurent des marchés publics – pourront faire l’objet d’un paiement au fur et à mesure de l’avancement de l’opération. Enfin, pour soutenir la rénovation énergétique des bâtiments, il est question d’étendre le périmètre des marchés globaux de performance énergétique (qui déroge également au principe d’interdiction de paiement différé) aux opérations d’autoconsommations et d’assouplir leurs modalités de financements publics.
Un impact positif pour les PME ?
Toutes ces mesures auront nécessairement un impact positif, notamment au bénéfice des PME, sur l’activité générée par la commande publique. Il ne s’agit cependant pas du choc de simplification annoncé, ce d’autant moins que certains sujets fondamentaux ont été laissés de côté, notamment le paiement des contrats publics ou encore l’achat local ; les critères de sélection basés sur la proximité géographique demeurant aujourd’hui d’un maniement délicat puisque pouvant être considérés comme discriminatoires si cette proximité ne s’avérait pas nécessaire à l’exécution du marché.
Autant de sujets qui seront toutefois certainement évoqués dans le cadre de la refonte des directives marchés et concessions de 2014, qui devrait intervenir d’ici 2026 ; les premiers débats laissant déjà entrevoir une volonté d’assouplissement certain.