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Conjoncture : Des raisons d’espérer en Nouvelle-Aquitaine

Dans un contexte économique difficile et marqué par l’incertitude, sur le plan international comme national, les entreprises néo-aquitaines anticipent en ce début d’année une légère amélioration de leur activité en 2025, sauf dans le secteur de la construction. 

Marie-Agnès de Montbron

Marie-Agnès de Montbron, directrice de la Banque de France Nouvelle-Aquitaine © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Rester optimiste dans un contexte sombre, marqué par l’incertitude et l’instabilité, et soumis à de nombreux aléas. C’est le choix de la Banque de France, et de sa directrice régionale Marie-Agnès de Montbron, qui présentait les résultats de son enquête annuelle sur le bilan 2024 et les prévisions 2025 pour l’économie néo-aquitaine (1), aux côtés de la CCI Bordeaux-Gironde (2), le 3 février au Palais de la Bourse de Bordeaux.

Dans une croissance mondiale faible (3,2 % en 2024 et 2025), marquée par le protectionnisme des États-Unis et l’agressivité de l’offre chinoise, l’Europe s’essouffle. « Mais la bonne nouvelle est que la croissance française est restée positive en 2024 (+ 1,1 %* contre + 0,7 % dans la zone euro) et demeure orientée à la hausse en 2025, à + 0,9 %, montrant la résilience de notre économie », estime-t-elle. Si l’inflation a été contenue et devrait le rester de façon durable, le taux de marge des sociétés a baissé en 2024 et les investissements devraient continuer de marquer le pas en 2025.

Trou d’air

« Il est difficile d’être positif dans ce contexte. En 2024, un nombre record d’ouvertures de procédures judiciaires a été enregistré à Bordeaux et Libourne, et la tendance devrait se poursuivre en 2025. L’instabilité, l’incertitude et le manque de vision liées à la politique sont en train de condamner un certain nombre d’entreprises. Les investissements et la plupart des décisions ont été reportés, engendrant un trou d’air et un attentisme au-delà duquel nous devons passer », s’inquiète Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux-Gironde.

Selon lui, la période constitue paradoxalement un bon moment pour établir un diagnostic et se transformer, « afin de trouver comment devenir meilleur. Demain sera différent, les entreprises et les métiers seront différents, et la CCI est là pour les accompagner dans cette démarche ». « Mais pour faire cela, il faut des moyens. Nous devons redorer les notions de bénéfice, de marge, de résultat. Car c’est ce que les entreprises partagent », insiste-t-il.

Nous devons redorer les notions de bénéfice, de marge, de résultat

Reprise

En Nouvelle-Aquitaine, l’activité dans l’industrie a été largement inférieure aux projections de mi-année en 2024, avec un chiffre d’affaires en baisse de -1,3 %. « Tous les secteurs ont souffert, sauf l’aéronautique. Ils anticipent donc une reprise en 2025, avec des projections à + 2,6 % », indique David Duriez, chef du département des Entreprises et activités économiques régionales à la Banque de France de Nouvelle-Aquitaine.

Les services marchands terminent 2024 en hausse de 0,6 %, portés par les services d’ingénierie, de conseil juridique et d’expertise comptable. Tandis que l’intérim chute fortement. « Les projections sont plus favorables en 2025, avec une croissance du chiffre d’affaires attendue de 2,5 % », détaille David Duriez. « L’indice de confiance dans la pérennité de leur entreprise est très en-dessous de la moyenne pour les CHR (Cafés-Hôtels-Restaurants), traduisant leur inquiétude », note également Nathalie Wong-So, chef de projet études économiques à la CCI Bordeaux-Gironde.

Situations préoccupantes

Le secteur de la construction poursuit sa chute, avec des carnets de commande toujours historiquement bas et un attentisme des collectivités, entraînant un recul de chiffre d’affaires de -2,2 % en 2024, qui reste cependant moins élevé qu’attendu à mi-année. Cette baisse devrait se poursuivre en 2025 avec des projections à -1,7 %.

La situation du commerce, enfin, est « préoccupante depuis plusieurs années. Les marges sont dégradées, les charges augmentent, les investissements sont reportés. Et les commerçants doivent s’adapter aux nouveaux usages, un sujet sur lequel la CCI peut les accompagner », rappelle Nathalie Wong-So.

Patrick Seguin (CCI Bordeaux-Gironde), Marie-Agnès de Montbron (Banque de France), Stéphane Viéban (Alliance Forêt-Bois), Delphine Delugin (Aéronefs Services) et Catherine Parinaud (SHI), le 3 février au Palais de la Bourse. © D. R.

Résilience

Dans ce contexte peu engageant où les marges ne cessent de diminuer, trois patrons ont accepté de témoigner pour dévoiler « les secrets des entreprises résilientes ». Delphine Delugin, directrice générale d’Aéronefs Services, fabricant de pièces et sous-ensembles pour les secteurs de l’aéronautique, du spatial, de la défense et du drone, a choisi de « limiter l’encadrement, réinternaliser certaines activités et orienter les investissements vers la modernisation des outils de production ».

Catherine Parinaud, directrice générale de la Société Hôtelière et immobilière, qui gère plusieurs hôtels, a décidé « de prendre soin des équipes et des structures, en restant agile ». Avec des investissements orientés vers la transition écologique.

Accompagnement

La coopérative Alliance Forêts-Bois quant à elle « intègre de plus en plus la chaîne de valeur de la filière, qui va de la graine à la grume. Nous travaillons aussi à une diversification active de nos marchés », ajoute Stéphane Viéban, son directeur général. « Nos investissements sont dédiés à l’adaptation de la forêt au changement climatique et à la diminution de la pénibilité de nos métiers. Depuis 2020, nous gérons des crises. C’est notre nouvelle réalité, et cela engendre des difficultés de programmation », confie-t-il.

Quoiqu’il en soit, dans cette période complexe, « il ne faut pas rester seul et s’appuyer sur les nombreuses structures qui existent », concluent Marie-Agnès de Montbron et Patrick Seguin.

 

* En attente de confirmation des chiffres Insee 

 

  1. L’enquête de la Banque de France régionale a été réalisée auprès de 3 800 chefs d’entreprises néo-aquitaines. Les résultats sont pondérés des effectifs. 

  1. L’enquête trimestrielle de la CCI Bordeaux-Gironde a été réalisée auprès de 600 chefs d’entreprises