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VDLV : industriel de la vape

CESTAS. Le deuxième producteur français d’e-liquides VDLV a créé, en Gironde, un écosystème pour fabriquer, caractériser et certifier les produits de la vapologie. Il envisage d’appliquer les connaissances acquises à d’autres secteurs d’activité pour se diversifier, tout en développant sur son site un « hub industriel ».

Vincent Cuisset, VDLV

Vincent CUISSET, fondateur de VDLV © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Il est le deuxième producteur français d’e-liquides en volume et le seul à fabriquer sa nicotine destinée aux e-liquides de A à Z en Europe. VDLV, acronyme historique de Vincent dans les vapes, a été créé en 2012 par Vincent Cuisset, alors ingénieur de recherche au Laboratoire européen de chimie et de biologie (IECB) de Bordeaux.

« J’ai découvert la cigarette électronique par hasard en 2010 et constaté que les e-liquides venaient tous de Chine, avec un manque total de transparence sur leur composition », se souvient-il.

Focus sur les arômes

Se prévalant d’« une démarche scientifique rigoureuse » et bénéficiant du réseau des laboratoires universitaires bordelais, il passe près de deux années à étudier la composition des e-liquides, en se concentrant sur les arômes.

En effet, les ingrédients de base des liquides que sont « le propylène glycol et la glycérine sont des composés que l’on connaît depuis longtemps, et qui se vaporisent à basse température sans toxicité. En revanche, on ne connaissait pas le potentiel toxique des arômes en inhalation, puisqu’ils sont adaptés à l’ingestion, les enzymes de l’estomac permettant de les détoxifier », explique-t-il.

Il isole une vingtaine d’arômes naturels vapologiques, adaptés à l’inhalation, puis crée sa boutique en ligne en 2012 avec une première gamme d’e-liquides, fabriqués dans son petit labo de 10 m2 de l’IECB.

Vincent Cuisset, VDLV

Dans l’aromathèque de VDLV. © VDLV

Échelle industrielle

Le succès est rapide. Des boutiques ouvrent alors partout en France, et les commandes de revendeurs et distributeurs de cigarettes électroniques poussent l’entrepreneur à voir plus grand. Il fonde VDLV avec son associé, Charly Pairaud, pour passer à l’échelle industrielle. Entre 2012 et 2013, ils embauchent 40 personnes, structurent la production et la logistique, et déménagent à Pessac, au château Bersol.

Dès 2014, avec l’arrivée d’une concurrence massive sur le marché mondial, ils complètent leur gamme d’e-liquides avec des arômes artificiels, aux goûts plus prononcés, sélectionnés toujours selon la même méthode.

Vincent Cuisset, VDLV

Charly PAIRAUD et Vincent CUISSET, cofondateurs de VDLV. © VDLV

Tabaculteurs français

Rapidement, un problème d’approvisionnement en nicotine se pose : les matières premières venaient alors majoritairement de Chine et d’Inde. « Nous avons donc décidé de nous tourner vers les tabaculteurs français », poursuit Vincent Cuisset. En partenariat avec le fournisseur de semence Bergerac Seed & Breeding, VDLV sélectionne une variété de tabac à haut rendement nicotinique avec des itinéraires techniques de culture spécifiques.

« Aujourd’hui, une cinquantaine de tabaculteurs français, principalement en Dordogne, Corrèze, Lot-et-Garonne et Puy-de-Dôme, cultivent pour nous 40 hectares de tabac permettant la production annuelle de 1,5 tonne de nicotine vapologique », décrit-il.

Une unité pilote d’extraction

« Nous avons également conçu une unité pilote d’extraction de nicotine, basée sur les principes de la chimie verte », se targue Vincent Cuisset. « L’extraction utilise un procédé sans solvant, avec une faible consommation d’eau, en circuit fermé. D’autre part, les résidus de tabac (mulch) sont réutilisés par des méthaniseurs pour la production d’énergie et d’engrais », détaille-t-il.

VDLV travaille déjà à une prochaine génération d’extraction visant une meilleure efficacité, en collaboration avec la société Activ’Inside

VDLV travaille déjà à une prochaine génération d’extraction visant une meilleure efficacité, en collaboration avec la société Activ’Inside, spécialiste de l’extraction de principes actifs. Et un approvisionnement énergétique en biomasse issue du mulch de tabac. « Nous souhaitons faire fonctionner cette unité en énergie blanche. C’est un projet qui intéresse Bordeaux Métropole Énergies, qui nous accompagne sur le dimensionnement des équipements, que nous espérons finaliser d’ici à fin 2025 », annonce le dirigeant.

Veille réglementaire

Vendus sous leurs propres marques, les produits de VDLV sont aussi fabriqués en marque blanche pour des distributeurs. « Le B2B représente aujourd’hui 95 % de notre chiffre d’affaires (confidentiel depuis 2021, le dernier CA publié en 2020 s’élevait à 16 millions d’euros, NDLR), et nous sommes présents à l’export dans une quinzaine de pays, principalement européens », indique Vincent Cuisset.

L’entreprise dispose d’ailleurs de son atelier d’impression d’étiquettes où elle imprime environ 30 % du volume total. « Disposer de ce service nous donne une certaine flexibilité pour l’export. Nous faisons une veille réglementaire très active et avons ainsi la réactivité nécessaire pour adapter nos étiquettes », estime-t-il.

La réglementation, c’est l’une des sources de préoccupation majeures du chef d’entreprise. Classés comme produit du tabac et soumis à la loi Évin, « les e-liquides pourraient également faire un jour l’objet d’une taxation similaire à celle du tabac. Nous restons donc prudents dans nos investissements », affirme Vincent Cuisset.

110 salariés

L’entreprise a néanmoins acquis en 2019 l’ancien centre de réserve de 14 000 m2 de La Poste, à Cestas. Aujourd’hui, la société y produit un million de flacons d’e-liquide chaque mois, et emploie 110 personnes, dont une centaine chez VDLV, et une douzaine chez Ingésciences, son laboratoire de recherche et d’analyses. Les e-liquides de VDLV font en effet l’objet de 3 000 analyses chaque mois, garantissant leur conformité aux normes Afnor.

Vincent Cuisset, VDLV

L’usine de VDLV à Cestas © VDLV

Centre de recherche et d’analyses

« Nous avons voulu nous positionner au départ en réponse au besoin de transparence et de traçabilité des composants d’e-liquides. Et aller le plus loin possible sur la compréhension de la vaporisation », assure Vincent Cuisset. L’entreprise a ainsi créé son propre centre de recherche et d’analyses, Ingésciences, avec robots vapoteurs, chromatographes et incubateurs cellulaires.

Un docteur en thermodynamique, un docteur en chimie, ainsi que des ingénieurs et techniciens y étudient le phénomène de vaporisation sous tous ses aspects : « d’un point de vue physique (modélisation mathématique du phénomène), chimique (analyse de la composition intrinsèque et des produits de dégradation de la vapeur) et biologique (impact de la vapeur sur les cellules) », énumère le dirigeant. Des travaux de recherche et de R&D qui font l’objet de publications internationales.

Vincent Cuisset, VDLV

Le laboratoire Ingésciences, société sœur de VDLV, est équipé de chromatographes permettant d’analyser la composition des liquides. © Louis Piquemil – Echos Judiciaires Girondins

Cette expertise de la vaporisation acquise par les équipes d’Ingésciences, VDLV imagine déjà pouvoir la mettre à profit sur d’autres molécules que la nicotine et les composants de ses liquides. « Il existe une telle surface d’échange au niveau des cellules pulmonaires, que l’on peut très bien imaginer des principes actifs en inhalation pour combattre certaines pathologies. Notre rêve serait de travailler dans un premier temps en santé animale, avec des porcs ou des poulets, au lieu de les gaver d’antibiotiques, par exemple », dévoile Vincent Cuisset, qui veut croire à l’arrivée de ces technologies de vaporisation dans la décennie à venir.

Diversification

En parallèle, VDLV a également lancé dès 2017 une autre société sœur, Abnova, qui développe une unité pilote de fabrication de bioéthanol (un biocarburant) de deuxième génération à partir de biomasse. « Notre but est actuellement de qualifier cette unité pilote, pour passer à l’échelle industrielle et vendre notre solution d’ingénierie de conception », explique Vincent Cuisset.

Travaillant dans un premier temps à partir de déchets de bois des scieries alentours, Abnova collabore également avec des partenaires sur une étude portant sur l’utilisation des ceps de vigne.

Hub industriel

En plus de l’ensemble de ses activités, VDLV est parvenu à créer sur son site de Cestas « un véritable hub industriel en microéconomie circulaire », en mettant en location 5 000 m2 de surface au profit d’entreprises employant une cinquantaine de personnes. « Nous avions le projet d’accueillir des locataires avec lesquels nous pourrions partager notre vision durable et avoir des synergies », confie Vincent Cuisset.

Nous avons constitué un écosystème d’entreprises en circuit court qui nous permet de mutualiser techniques et logistique

Parmi eux, Activ’Inside ; les luthiers Ted Guitars et Doktor Volox ; Vapoclope ; ou encore ImmunRise Biocontrol, qui développe des biofongicides à base de microalgues. « Nous avons constitué un écosystème d’entreprises en circuit court qui nous permet de mutualiser techniques et logistique », se félicite le dirigeant.

Vincent Cuisset, VDLV

La machine de conditionnement des e-liquides dans l’usine de VDLV. © Louis Piquemil – Echos Judiciaires Girondins