Pour tous les acteurs de la construction, l’acronyme BIM (Building Information Modeling) évoque une innovation digitale, cependant sa signification réelle demeure floue pour nombre d’entre eux. En effet, le BIM est souvent simplement associé à la modélisation 3D d’un bâtiment, or le processus collaboratif et les aspects structurels de ces maquettes sont généralement largement ignorés. Cette méconnaissance conduit certains acteurs du BTP à écarter cette innovation du fait de sa complexité supposée et surtout d’une résistance au changement qui repose sur une pratique conservatrice du métier. Une posture réfractaire qui perdure dans un écosystème pourtant bien connu pour ses retards de livraison, dépassements de budget et pratiques énergivores…
Or, face aux enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés, le BIM a tout son rôle à jouer dans la gestion durable du cycle de vie d’un actif. À son plein potentiel, il devient un levier majeur pour mieux construire, mieux piloter et mieux échanger dans le monde de la construction. Encore faut-il le maîtriser pour comprendre en quoi le BIM peut contribuer à la transition écologique.
Une maquette numérique
Le BIM, acronyme anglais de « Building Information Modeling », se traduit par la « Modélisation des Informations de la Construction ». Il s’agit concrètement de l’« utilisation d’une représentation numérique partagée d’un actif bâti, pour faciliter les processus de conception, de construction et d’exploitation de manière à constituer une base fiable permettant les prises de décision » (norme NF EN ISO 19 650). Autrement dit, une méthodologie de travail organisée autour d’une maquette numérique, qui contient des données structurées tout au long du cycle de vie d’un actif, de sa conception à sa démolition ou reconversion. Ce terme s’applique aux bâtiments et s’étend aujourd’hui à d’autres actifs comme les infrastructures ou les espaces publics.
Une vingtaine d’usages du BIM
De nombreux guides font état d’une vingtaine d’usages du BIM tels la vérification du programme, la revue de projet, la planification, l’extraction des quantitatifs, la gestion des conflits ou encore le contrôle de conformité aux exigences réglementaires. Il est communément admis de restreindre ces cas d’usage au minimum sur un projet, afin de ne pas rendre le processus trop complexe (notamment lors d’une première mise en œuvre). Cependant, ces usages sont d’ores et déjà mis en place dans des projets dits « classiques » (sans BIM), car ils sont inévitables pour tout projet. Là où le BIM apporte une vraie plus-value, est dans la méthodologie par laquelle ces cas d’usages seront appliqués au projet.
La pratique du BIM s’est généralisée à l’échelle mondiale à partir des années 2010, et si elle est aujourd’hui obligatoire dans certains pays (en Suède pour les transports, au Royaume-Uni pour les projets d’État, en Espagne et en Malaisie pour les projets publics et au Brésil pour les projets fédéraux), il n’en est pas de même en France, où elle se pratique sur une base de « volontariat ».
21 % des acteurs de la construction utiliseraient régulièrement le BIM dans leurs activités
Même s’il est difficile d’obtenir un chiffre précis sur la pratique du BIM en France, on estime que seuls 21 % des acteurs de la construction l’utiliseraient régulièrement dans leurs activités (source baromètre plan BIM 2022).
Centraliser les informations clés
L’essence même du BIM est de centraliser toutes les informations clés d’un projet de construction (plans, matériaux, coûts, calendrier, etc.) en une seule visualisation numérique des plus réalistes. Ce travail collaboratif a l’avantage de pouvoir être partagé pour fluidifier la communication et la coordination entre tous les corps de métier (ingénieurs, topographes, géomètres, architectes, propriétaires, etc.). Cette transparence permet in fine de maintenir une base de données cohérente, saine et à jour pour toutes les parties prenantes. Les incohérences ou interférences entre les différents éléments du projet peuvent ainsi être détectées et résolues avant la construction physique. La gestion de projet est optimisée via des échéanciers collaboratifs pour mieux maîtriser les aléas liés aux dépassements de coûts et de temps.
Au-delà de l’aspect pratique, les modèles BIM sont des outils puissants pour optimiser les performances environnementales d’un projet et prendre des décisions avisées et éco-efficaces tout au long de son cycle de vie. Dès les premières étapes du projet, les concepteurs peuvent simuler et analyser les performances environnementales de chaque option qui s’offre à eux, en tenant compte de facteurs tels que : l’efficacité énergétique, le choix des matériaux, l’utilisation durable des ressources, la gestion de l’eau, la qualité de l’air intérieur, etc.
Suivre les performances environnementales
Grâce aux analyses de performance énergétique intégrées aux modèles BIM, il est possible d’identifier les zones de perte d’énergie, d’optimiser l’isolation, la ventilation, l’éclairage, et d’opter pour les solutions les moins énergivores. Par ailleurs, le BIM permet de planifier précisément la quantité et le type de matériaux nécessaires pour une construction donnée. Un atout non négligeable pour minimiser les déchets de construction, favoriser le réemploi et contribuer à réduire l’empreinte carbone du projet.
Le BIM permet de minimiser les déchets de construction, favoriser le réemploi et ainsi réduire l’empreinte carbone du projet
Une fois le projet réalisé, le BIM permet toujours de suivre en temps réel les performances environnementales de l’actif. Une solution concrète pour apporter des ajustements si nécessaire et aiguiller les prises de décisions quant aux éventuelles rénovations, entretien et fin de vie, tout en minimisant l’impact environnemental à chaque étape.
Des freins humains, techniques et financiers
Bien que le BIM offre de nombreux avantages potentiels, son adoption peut être entravée par divers facteurs humains, techniques et financiers. Sur le volet humain, on constate notamment que la résistance au changement perdure fortement dans l’univers de la construction. Les professionnels du bâtiment peuvent se montrer réticents à l’idée d’abandonner les méthodes traditionnelles auxquelles ils sont déjà formés et habitués.
De plus, sur l’aspect technique, il est possible que l’interopérabilité entre les logiciels des parties prenantes soit complexe. La coordination entre les équipes s’en voit compromise et affecte directement le projet. De même que les normes utilisées et règles spécifiques de chaque organisation peuvent amplement compromettre le bon déroulé du processus.
Enfin, la mise en place d’une infrastructure BIM (sensibilisation et formation du personnel, achat de logiciels dédiés, équipements informatiques inhérents, sécurisation des données, etc.) peut représenter un investissement financier conséquent. Bien que volontaires, les petites entreprises peuvent avoir du mal à allouer les ressources nécessaires et écarter d’emblée cette option en raison de contraintes budgétaires.
Vers une réglementation ?
Aujourd’hui de plus en plus de pays et juridictions ont adopté ou envisagent d’adopter des réglementations rendant l’utilisation du BIM obligatoire pour certains types de projets ou à certaines étapes du processus de construction. Face aux défis environnementaux actuels, son application deviendra de plus en plus indispensable pour justifier la pertinence d’un projet. Il semble nécessaire d’intégrer progressivement ce processus pour s’y familiariser au fil des expériences.
Dans le contexte environnemental actuel, il semble naturel que toutes les innovations technologiques puissent être explorées afin d’optimiser le cycle de vie de chaque nouvel actif. Avant tout, le succès du BIM reposera sur la collaboration intelligente et fructueuse de tous les acteurs de la construction.