Comme il le remarque lui-même, le parcours d’Éric Ruelle est « atypique », mais aussi très riche : « Une partie en juridiction, au Parquet et au Siège, une partie en administration centrale, une autre dans le détachement, du travail de cabinet, à l’Inspection Centrale et une partie internationale ! ». Originaire de Senlis, « une jolie région de forêts », le président du tribunal judiciaire de Bordeaux est un féru d’histoire. Lui qui s’imaginait professeur d’histoire-géo se laisse convaincre par une de ses camarades de lycée qui se destinait à la magistrature. Il recroisera cette jeune fille déterminée quelques années plus tard, tous deux devenus magistrats après s’être perdus de vue. « C’est amusant », sourit-il. Diplômé en 1988, ce civiliste qui n’avait pas envie de devenir « un moine copiste » choisit dans un premier temps le Parquet. En 1997, il décroche un détachement au ministère de la Défense, aux affaires pénales militaires, en tant que conseiller juridique en ex-Yougoslavie. « Cette expérience m’a mis au contact de l’international », précise-t-il, et il devient par la suite conseiller aux ministères de la Défense, puis de la Justice, participe ainsi à des négociations de conventions internationales, en lien avec le Quai d’Orsay, se retrouve confronté à différents systèmes juridiques, participe à la rédaction du mandat d’arrêt européen…
En 2009, il a envie de retourner en juridiction et fait valoir sa mobilité fonctionnelle pour intégrer le Siège à Meaux, où il préside de grosses audiences correctionnelles. Là encore, c’est une tierce personne qui va l’inciter à devenir chef de juridiction. Il devient ainsi président du TGI d’Auxerre de 2013 à 2016. Après un passage au cabinet du Garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoa, il rejoint finalement l’Inspection Générale. Lors de ses missions, « de fonctionnement, thématiques, ou d’appui pour déployer les réformes », Éric Ruelle mène des contrôles comme des entretiens : « Cette confrontation avec la vision des partenaires extérieurs nous amène à relativiser nos priorités. L’essence même du magistrat est son humilité et sa capacité d’écoute ». Cette expérience est riche, mais le président pense qu’il est important pour lui de retourner en juridiction : « Fondamentalement, je suis magistrat ». Installé à Bordeaux en janvier dernier, il avait dès lors déclaré : « Je ne serai pas un président enfermé dans sa juridiction ». Il insiste d’ailleurs sur le dialogue permanent qu’il entre- tient avec la Procureur de la République et la direction de greffe, « une spécificité de cette administration dyarchique » ; il multiplie également les contacts avec la hiérarchie intermédiaire, la Cour, les partenaires extérieurs tels que le barreau, les huissiers, les élus, etc. Sans oublier la mise en œuvre des réformes « majeures » des dernières années. « Nous sommes en champ instable », commente-t-il. Et de préciser : « La juridiction n’est pas une tour d’ivoire, c’est un écosystème ». S’il n’évoque qu’un regret, c’est celui d’être trop accaparé pour faire du juridictionnel. Et à la question de ce qu’il préfère, la réponse sera sans surprise. « Les contacts. C’est l’élément déterminant. »