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Étienne Guyot : Le préfet sur tous les fronts

INTERVIEW - Étienne Guyot, préfet de la région Nouvelle-Aquitaine et de la Gironde, a pris ses fonctions il y a tout juste un an. Augmentation des moyens de sécurité, développement économique avec le dispositif France 2030 et le contrat de plan État/Région, aménagement du territoire avec la LGV et le RER métropolitain, il détaille sa feuille de route

Étienne Guyot, préfet

Le préfet Étienne Guyot © Louis Piquemil - Échos Judiciaires Girondins

Échos Judiciaires Girondins : Quel bilan tirez-vous de cette première année en Gironde ?

Étienne Guyot : Cela a été une année très dense. Avec la coupe du monde de rugby, nous avons accueilli beaucoup de monde et c’était très fluide. Le bilan est positif parce que nous avons enchaîné avec la visite du couple royal britannique qui a nécessité 30 visites de terrain. Ça a représenté 1 500 hommes mobilisés, c’était très cadencé et ça s’est très bien passé. Mais il y a eu aussi avec des événements d’ordre public : les manifestations contre la loi retraite, les violences urbaines de fin juin juillet, toutes les manifestations liées au conflit israélo-palestinien… Il y a aussi toute la vie d’un grand département, qui fait 6 arrondissements, le plus grand département de France.

 

EJG : Quels les grands chantiers avez-vous identifiés en arrivant ?

E. G. : Parmi les chantiers prioritaires, il y a la protection de nos concitoyens. Lorsque je suis arrivé, tout le monde avait le traumatisme des feux de forêt de l’été 2022. J’ai beaucoup insisté sur les moyens terrestres et aériens. Ça s’est traduit par des financements, soit 9 millions d’euros pour la Gironde. Il y a toute la sécurité publique : l’État avait déjà renforcé ses moyens en 2021-2022 avec 140 policiers supplémentaires affectés à Bordeaux. Depuis, un renforcement en effectifs et matériels a été voté, avec 27 brigades supplémentaires en Nouvelle-Aquitaine, dont certaines vont intervenir dès 2024. L’enjeu est sur tous les plans : la lutte contre les stupéfiants qui sont une gangrène, la lutte contre les incivilités, l’augmentation des équipes et des patrouilles sur la voie publique. Le 2e thème est de soutenir l’esprit d’entreprendre. Les entreprises jouent un rôle fondamental dans la création de valeur ajoutée, la création d’emplois, dans la redistribution. Le gouvernement a mis en place plusieurs types d’actions et le plan de relance a permis à l’économie de tenir le choc et de garder les compétences.

 

EJG : Lors de votre conférence de presse de rentrée, vous aviez dressé un bilan plutôt positif pour les entreprises et le taux de chômage, pourtant le moral est plutôt en berne, comment l’expliquez-vous ?

E. G. : Au comité de la Banque de France qui a eu lieu fin décembre, nous avons fait le point très précisément avec la Banque de France, le Medef, la CCI et un certain nombre d’entreprises : la situation offre moins de visibilité qu’avant l’été, pour autant, on ne peut pas dire que les entreprises aient le moral en berne. Il faut regarder secteur par secteur. Certes le bâtiment ne va pas bien mais le secteur industriel se porte mieux qu’au niveau national. Le taux de chômage est de 6,5 contre 7,2 au point national et on note une préoccupation toujours importante de recherche d’embauche. La situation n’est pas mauvaise dans un contexte où l’inflation baisse (on est passé de 4,9 % fin septembre à 3,8 % fin décembre). La dernière enquête de conjoncture de la Banque de France montre que le pouvoir d’achat des ménages est en augmentation, tout comme les marges des entreprises avec un niveau légèrement supérieur à celui observé pendant la crise covid. Et pour l’année 2023, la croissance a été supérieure aux prévisions de 0,9 %. Donc l’échange auquel j’ai participé a montré des motifs d’optimisme.

 

EJG : Quels sont les accompagnements pour soutenir les entreprises ?

E. G. : Nous avons un dispositif très partenarial avec la Région : les CRP (commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés) qui accompagnent les entreprises en difficulté pour préserver l’emploi dans les territoires. C’est une action très forte. On déploie aussi le dispositif France 2030 : le plan consiste à cibler 10 secteurs particuliers et stratégiques, tant en termes d’indépendance, d’investissements, d’innovation donnant un coup d’avance à notre pays. 54 milliards d’euros sont sur la table. Entre janvier 2021 et octobre 2023 on a eu 339 projets lauréats d’entreprises en Nouvelle-Aquitaine, pour un montant 706 millions d’euros. Cela concerne 92 entreprises en Gironde. Ça fonctionne bien ! Pour nous l’enjeu, c’est de faire en sorte que le maximum d’acteurs locaux puissent émerger. On n’en est qu’au début. Nous avons un autre outil : le contrat de plan État/Région à l’échelle des 3 anciennes régions. Cela représente plus de 6 milliards d’euros jusqu’à 2027 qu’on déroule sur tous les secteurs : l’enseignement supérieur, l’économie, les infrastructures, le maritime… Investir c’est fondamental.

On déploie aussi le dispositif France 2030 : cela concerne 92 entreprises en Gironde

EJG : Parmi vos priorités, vous avez également cité la transition écologique…

E. G. : Tout à fait, il faut ancrer les territoires dans la transition écologique. Le gouvernement met 10 milliards d’euros et a lancé un programme décliné dans chaque région et pour chaque secteur. L’objectif étant de diminuer de façon drastique de 55 % les gaz à effet de serre d’ici 2030. Il reste la moitié du chemin dans l’industrie, les transports, l’agriculture, le bâtiment, avec des actions à entreprendre. Il faut que la prise de conscience irrigue tout le monde, pas seulement la sphère publique mais aussi les associations, les entreprises, nos concitoyens. Entre février et juin, on aura une phase de débat dans toute la Nouvelle-Aquitaine, après on va avoir des remontées de terrain et on obtiendra une feuille de route avec des spécificités régionales.

 

EJG : L’aménagement du territoire, et plus précisément la question les transports, est aussi un axe majeur pour vous…

E. G. : Quand je suis arrivé, considérant ce que font les collectivités – et elles le font bien – nous sommes convenus avec les présidents de la Région et de la Métropole, du département, le maire de Bordeaux de créer ensemble un comité des mobilités partant d’un diagnostic commun : comment fait-on pour accélérer un certain nombre de projets, mettre en chantier un certain nombre d’études, c’est un travail à horizon 2040. J’ai reçu un mandat de négociation de l’ex Première ministre Mme Borne qui me donne une enveloppe de 747 millions d’euros sur la période 2023-2027. L’État met 150 millions d’euros par an sur la table, contre 90 millions dans le précédent plan qui s’est achevé en 2022. Donc plus d’argent avec un fléchage sur le collectif et le ferroviaire. Sur les 747 millions, au moins 150 millions doivent être dédiés au RER métropolitain ou girondin. Mais nous avons aussi besoin d’améliorer des routes : la RN 141, la RN 147, on a besoin de traiter les carrefours plans de la RN10. On est à la fois sur l’aménagement du territoire, l’investissement, la cohésion territoriale, ce sont des outils financiers puissants.

Hors contrat de plan, on a le projet du POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), un programme de 1,6 milliard. Il y a un temps de travaux qui fait qu’on avance résolument. Quant à GPSO (LGV Toulouse-Bordeaux, Bordeaux-Dax), un projet d’utilité publique, il va demander des aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse. Ce sont des goulots d’étranglement qu’il faut faire sauter pour développer le ferroviaire et le RER. Ça représente à peu près 1 milliard pour chaque chantier sur les 14 milliards de l’ensemble de la ligne. Le projet se poursuit. Il y a des contestations que l’on prend au sérieux. Je ne suis plus coordinateur mais plus de la moitié du tracé (qui relève de la compétence du préfet d’Occitanie) se trouve en Nouvelle-Aquitaine, donc j’ai à cœur d’être très investi.

 

EJG : Où en est-on de l’implantation de l’entreprise Pure Salmon dans le Nord-Médoc ?

E. G. : Le dossier a été déposé, l’instruction est en cours. Le porteur de projet doit le compléter. Aucune décision n’est prise. C’est un dossier qui mérite d’être considéré. Il y a 250 emplois à la clé, mais aussi des contraintes environnementales c’est évident. Mais ce projet concourt à l’autonomie de notre pays quand on voit ce qu’on importe en saumon. Même s’il y a des exigences environnementales, d’implantation, de circulation, d’énergie, quand un projet économique est présenté, il mérite toujours d’être regardé dans un contexte où il peut permettre de créer des emplois et d’améliorer la balance commerciale.

Au moins 150 millions d’euros doivent être dédiés au RER métropolitain ou girondin

EJG : Et pouvez-vous nous dire où en est le projet Flying Whales ?

E. G. : C’est un projet très soutenu par la Région dans lequel nous sommes totalement investis, le comité de pilotage se réunit régulièrement. À ce stade, le projet continue son instruction. On a différentes procédures : autorisation sur l’eau, dérogations sur les espèces protégées, procédures de défrichement, archéologiques… Les procédures d’urbanisme démarrent également. Je fais en sorte de l’accompagner au mieux.

 

EJG : Quels sont les prochains grands rendez-vous ?

E. G. : Les élections européennes et les jeux olympiques. Pour ce dernier, c’est difficile de se projeter. 7 matchs sont programmés. Ça va dépendre des tableaux. Il n’y aura pas de fan zone. Il y aura des touristes en tout cas… Ça s’est très bien passé pour la coupe du monde, donc il faut faire la même chose. Et il y a encore bien des dossiers et des défis à relever. Dans tous les cas, dites-vous que je suis un préfet heureux !