Casser les codes traditionnels du parfum pour mieux les détourner et les réinventer. C’est l’idée gagnante de Frédéric Stoeckel, PDG et associé d’Adopt, lorsqu’il découvre la marque en 2019. Lancée en 1986 par le Girondin Dominique Monlun, la marque s’appelait au départ Réserve Naturelle et proposait des parfums, des accessoires, des bijoux et du maquillage : « Dominique Monlun était un entrepreneur qui voulait déjà rendre la beauté accessible, mais son offre était très diversifiée. À mon arrivée, le parfum pesait 25 % du chiffre d’affaires, aujourd’hui il en représente 85 %, commente Frédéric Stoeckel. Il n’avait pas construit un positionnement de marque. »
Ce n’est pas le cas de Frédéric Stoeckel qui choisit un concept novateur : une reformulation des parfums pour monter en gamme, un prix très accessible, un modèle de flacon simple, une distribution en magasin ou en ligne.
À mon arrivée, le parfum pesait 25 % du chiffre d’affaires, aujourd’hui il en représente 85 %
Playlist
Dès le départ, le dirigeant comprend qu’il faut redéfinir l’usage du parfum sur un marché français « ultra-éduqué, traditionnel, voire conformiste, estime-t-il. C’est ce qui m’a donné envie de me lancer dans cette aventure ». Il lance un grand chantier de transformations, « la mise à plat d’une stratégie et un positionnement beaucoup plus puissant et précis. On a voulu démocratiser le parfum en brisant le dogme du parfum unique pour la vie ».
L’idée est de jouer la multiplicité d’odeurs qui correspondent à des moments, des envies : « On peut avoir plusieurs parfums. C’est comme une playlist ».
Flacon unique et iconique
L’enseigne commence donc par reformuler avec les grands maîtres parfumeurs et les maisons de composition réputées (Firmenich, Givaudan, Robertet…), « avec la même qualité que les grandes marques, les mêmes ingrédients, les mêmes sourcings, les mêmes nez, le même prix au kilo ». Ils recrutent aussi un nez en interne comme le font les grands groupes.
Mais le business model est totalement différent : un flacon unique et iconique, qui fait 30 ml. Il y en a actuellement plus de 150 ! « L’idée était déjà présente dans la marque, indique Frédéric Stoeckel, mais on est allé au bout du concept. » La marque a aussi développé une offre complète de beauté : corps (lait, gel, gommage, etc.) qui sont des extensions des parfums, du maquillage (teint, yeux, lèvres), des parfums et soins hommes, ainsi qu’une gamme dédiée à l’intérieur avec des bougies et des capillas.
Cosmetic Valley
Cette transformation est aussi structurelle, avec une restructuration du personnel : « Faire monter des talents, c’est un travail d’organisation, de fine tuning et de précision », explique le PDG d’Adopt. Détenu à 100 % par la SAS Nordnext, Adopt a lancé la fabrication de ses produits sur le site de Cestas qui concentrait le siège et les ateliers de fabrication. Ce sont maintenant les bureaux qui regroupent 130 personnes : la finance, l’informatique, le marketing développement, les RH, avec une partie entrepôt. Adopt a également ouvert un bureau à Paris qui compte 35 personnes et qui gère le digital, l’international et le studio graphique. « Le parfum et la beauté, c’est à Paris », sourit Frédéric Stoeckel.
Enfin, après avoir vainement recherché un site en Nouvelle-Aquitaine, la marque a investi dans une usine dans le Loiret il y a un an et demi, un ancien laboratoire de Pierre Fabre dans la Cosmetic Valley. Cette friche industrielle 33 000 m2 qui comporte cinq bâtiments assure désormais toute la production de parfums et des autres produits de la marque. « C’est une force d’avoir trois lieux, assure Frédéric Stoeckel. La marque est basée à Paris et à Bordeaux. Et notre usine est située à côté de notre centrale de distribution, donc ça a un sens ».
Après avoir vainement recherché un site en Nouvelle-Aquitaine, la marque a investi dans une usine dans le Loiret
+50 % de chiffre d’affaires
La marque a revu tout son marketing : l’enseigne, les packagings, le mobilier, son merchandising et travaille sa communication et son image : « On a fait quelque chose de visible, moderne, percutant ». Pour asseoir son expansion, elle s’appuie sur son réseau de boutiques.
Dès 2021, elle décolle pour dépasser l’année de référence pré-covid 2019. « On sentait déjà qu’il y avait une dynamique qui s’est confirmée », commente Frédéric Stoeckel. Il y avait alors 140 boutiques. « On va finir l’année à 300 boutiques (dont 10 en Gironde), continue-t-il, avec un maillage assez important en France. »
En 2024, elle a ouvert 78 boutiques en France et 3 en Belgique. « On est numéro 1 d’ouverture de boutiques. On fait mieux qu’Action et Normal qui sont numéro 2 et numéro 3, avec une progression de plus 50 % de notre chiffre d’affaires », se satisfait Frédéric Stoeckel. Le chiffre d’affaires (non communiqué par Adopt) serait passé, selon les données disponibles sur le site Pappers, de près de 48 millions d’euros en 2020 à 118 millions en 2023.
On va finir l’année à 300 boutiques (dont 10 en Gironde), avec un maillage assez important en France.
Cap sur les îles
Le développement se fait également à l’international. « Quand on sait que le marché mondial du parfum représente 4 % pour France, il nous reste 96 % du marché à l’international », s’enthousiasme Frédéric Stoeckel. Pour son développement, la marque ouvre des filiales, notamment en Espagne, en Belgique, au Canada où elle doit ouvrir trois boutiques d’ici la fin de l’année à Québec et Montréal.
Elle a aussi des partenaires en Pologne, une boutique en Irlande, deux en Arabie saoudite, et 52 dans toutes les îles : Dom Tom (Antilles, Réunion, Nouvelle-Calédonie) Seychelles, île Maurice, Madagascar, Mayotte, ainsi qu’un partenaire digital en Chine. « Le marché asiatique est plutôt celui du soin, précise le PDG d’Adopt, mais le parfum commence à s’imposer ». Avec l’international, le réseau Adopt regroupe 400 boutiques.
20 millions de flacons
« On a une notoriété et une visibilité à continuer de construire. » Le PDG d’Adopt indique produire cette année plus de 20 millions de flacons. « Aujourd’hui, on vend plus de 15 millions de flacons en France et 5 millions à l’international », précise-t-il. Ils envisagent de continuer à se développer en France, en Espagne, puis en Italie : « On fait des tests ».
En 2022, le groupe avait levé 26 millions d’euros qui ont essentiellement servi pour l’usine. « On a fait près de 12 millions de travaux, dont 2 millions pour la rendre plus green, cette somme a également contribué à l’achat de machines et au renouvellement du parc. »
33 ans en moyenne
« On porte un message assez fort qui est la liberté. Les clientes se sont reconnues dans la marque avec laquelle elles développent une relation très émotionnelle. Elles sont nos meilleures ambassadrices », souligne Frédéric Stoeckel. 50 % des clientes ont entre 18 et 35 ans, soit 33 ans en moyenne. Séduites par le flacon à 10,95 euros, ce sont souvent de jeunes filles qui font découvrir la marque à leur mère.
« On n’a pas d’égérie : chaque femme est différente, insiste-t-il. Le parfum les accompagne dans ce qu’elles ont envie d’être au moment où elles en ont envie. On n’impose pas un parfum plutôt qu’un autre. L’égérie, c’est vous. »
Et de fait, même s’il y a un top 15 qui est toujours à peu près le même, le parfum le plus vendu fait moins de 2 % du chiffre d’affaires. Les boutiques mettent en valeur ce large choix avec un mur parfums qui est iconique.
L’offre dans l’air du temps
« Les clientes viennent en groupe, on a cet effet communautaire, explique le PDG d’Adopt. On a même des groupes Facebook avec un effet collection. » La marque vend des présentoirs qui tournent et permettent aux clientes de choisir leur parfum du jour. « On renouvelle les gammes en permanence. Les clientes ont envie de découvrir de nouvelles odeurs. »
La marque, très présente sur les réseaux sociaux (Instagram, Tik Tok, Facebook) surfe sur cet effet communautaire. « On ne fait pas beaucoup de pub, plutôt du sponsoring télé. En ce moment c’est The Voice. Notre pub, c’est surtout nos boutiques », continue Frédéric Stoeckel. Pourtant, Adopt lance une nouvelle campagne avec l’agence Buzzman présente sur les réseaux sociaux, en sponsoring, et pour la première fois en affichage.
Frédéric Stoeckel : L’atout parfum
« Je voulais travailler sur des produits à forte valeur ajoutée, avec du storytelling. Un stage d’étude chez Coca Cola m’avait convaincu que ce n’était pas pour moi ». Et de fait, dès la fin de ses études d’école de commerce, Frédéric Stoeckel rentre chez L’Oréal. Il y passe 12 ans et termine directeur marketing de Lancôme France. Il assure ensuite pendant trois ans cette même fonction au sein de l’Occitane USA avant de créer une start-up, au sein de la Sillicon Valley, la marque de soins Algenist, à base d’acide alguronique, issu d’algues ; « ça marche toujours très bien », assure-t-il. Mais après 15 ans aux États-Unis, l’envie de rentrer en France le taraude. En 2019, il fait une étude sur la marque Adopt pour un fonds de pension. Ce spécialiste de la cosmétique et des parfums sent qu’il a une carte à jouer. « Ce n’était même pas une marque, c’était un revendeur, j’ai compris qu’il y avait une pépite cachée. » La partie est gagnante pour lui !