Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Gironde – Gastronomie : génération écoresponsable

DÉCRYPTAGE : La société change et la vie en cuisine aussi. Une toute nouvelle génération de chefs s’affirme, consciente des enjeux écologiques et sociaux qui définissent de nouvelles bonnes pratiques. Parmi eux, quelques noms emblématiques de chefs girondins : Tanguy Laviale (Ressources et Vivants à Bordeaux) Vivien Durand (Le Prince Noir à Lormont) ou encore Claire Vallée (ex-Ona à Arès). Comment s’expriment ces nouveaux défis ? Rencontres…

Gastronomie, Gironde

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L’ÉTOILE VERTE

Signe que les temps changent : le fameux Guide Michelin consacre des étoiles vertes depuis l’édition 2020. Comme le définit lui-même le guide, elles sont « une distinction annuelle qui met en avant les restaurants en pointe en matière de pratiques durables. Proposant de vivre une expérience table qui conjugue excellence et écoresponsabilité, ces établissements dessinent un modèle de gastronomie alternatif et particulièrement vertueux ». Ils sont 4 chefs girondins à l’avoir obtenue : Vivien Durand au Prince Noir (Lormont), David Charrier aux Belles Perdrix (Saint-Émilion), Stéphane Carrade au Skiff Club (Le Pyla) et Claire Vallée à Ona (avant sa fermeture en 2022). Cette démarche met en valeur les chefs engagés, convaincus qu’ils peuvent avoir un impact positif sur l’environnement.

CULTIVER SON POTAGER

Le mouvement locavore a peu à peu imprégné les cartes des chefs depuis une bonne dizaine d’années. Celui-ci prône un recours aux circuits courts en privilégiant les producteurs locaux. C’est le cas du restaurant Le Saint-James à Bouliac qui a organisé pendant plusieurs années un marché de ses producteurs et qui n’hésite pas à les mentionner sur sa carte : légumes cultivés en hydroponie à Floirac ou encore fromage de chèvre de Fargues-Saint-Hilaire. Pour aller plus loin, certains établissements cultivent leur propre potager bio dont les produits sont mis à la carte : c’est le cas aux Sources de Caudalie (Martillac), au Château Guiraud (Sauternes) ou même au Cent 33, malgré le fait que le restaurant soit en plein centre de Bordeaux. Son chef Fabien Beaufour est d’ailleurs détenteur de l’Éco-Défis de la CCI Bordeaux Gironde et fait partie de l’opération pilote de transition écologique portée par l’Ademe. Si sa démarche a été remarquée c’est parce que le chef étoilé privilégie le végétal, les circuits courts, la production de saison et limite les déchets. Une démarche écoresponsable qui se retrouve dans la formation actuelle.

Vivien Durand

Vivien Durand © D. R

RECYCLER LES BIODÉCHETS

« Tous nos étudiants sont sensibilisés aux bonnes pratiques en lien avec la RSE et l’écoresponsabilité », soutient Stéphanie Mérillou, directrice générale du centre de formation du Campus du Lac et de Ferrandi Paris, campus de Bordeaux, « Le recours aux fournisseurs locaux, les circuits courts, le respect des saisons sont inclus dans les programmes. » L’école est elle-même garante de ces bonnes pratiques : fournisseurs à moins de 20 km de l’établissement, réduction des livraisons, collecte des huiles usagées, containers plastiques proscrits, recyclage, etc. « Les jeunes générations sont très sensibles à ces questions-là, très réceptifs », continue Stéphanie Mérillou, « On prépare les futurs professionnels, leur enseigner les bonnes pratiques, ça a du sens. » Si bien qu’ils sont eux-mêmes force de propositions comme pour la mise en place d’un composteur et d’un tri sélectif au foyer des étudiants. « Pendant le salon Exp’Hôtel, leur mission était d’identifier des partenaires pour la gestion des biodéchets », remarque par ailleurs Stéphanie Mérillou.

On prépare les futurs professionnels, leur enseigner les bonnes pratiques, ça a du sens

18 000 REPAS PAR JOUR

La transmission est l’autre grand volet des défis relevés par les chefs. Tanguy Laviale l’expérimente à travers son projet Insight et son association l’Assiette. Chef étoilé, en place depuis 10 ans au Prince Noir, Vivien Durand est un cuisinier engagé dans de nombreux projets : « Il y a plein de restaurations différentes », remarque-t-il. « Je me sens concerné par les questions de transition ou de souveraineté alimentaires. Je veux apporter ma pierre à l’édifice sur les questions de nutrition. » Dans cette perspective, la mairie de Bordeaux lui a demandé de participer à l’élaboration des menus des scolaires et des Ehpad pendant la Semaine du Goût. « Ça représente 18 000 repas par jour. C’est colossal. » Le postulat était de réduire la consommation de protéines animales : « J’ai apporté des propositions végétales : pois chiches aux citrons confits ou carottes cuites dans leur jus. Mais j’ai dû adapter mes recettes. » Et le chef de saluer le travail des équipes de restauration compte-tenu des contraintes : « Ce n’est pas qu’une question d’envie. On a besoin de bienveillance dans la transmission »