Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Tanguy Laviale : Cuisine et Compagnie

PORTRAIT - Alors que pour certains chefs, l’étoile est le graal ultime, pour Tanguy Laviale, la cuisine est avant tout un partage. Avec L’Assiette, sa nouvelle association et Vivants, le dernier-né de ses restaurants qui vient d’ouvrir à Saint-Pierre, le chef affirme encore davantage son identité.

Tanguy Laviale, Bordeaux

Le chef bordelais Tanguy Laviale © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

« La cuisine c’est un hasard » annonce-t-il d’emblée. Après son bac ES, Tanguy Laviale qui est encore Parisien, a envie de gérer un hôtel, « un lieu pour rendre les gens heureux », précise-t-il. Il fait l’école Ferrandi dans cette perspective mais ne pense en aucun cas à devenir chef : « je ne ressentais pas d’émotion particulière en cuisinant. »

Pourtant, piqué au vif par la remarque d’un professeur, il persévère, enchaîne CAP – BEP en une année, commis chez un étoilé, puis passe le diplôme supérieur de cuisine française (devenu un bachelor) qui s’achève par un projet de création d’entreprise : « Les profs étaient incroyables, de nombreux chefs nous faisaient des démos, ça ouvrait plein de portes, c’était vraiment cool. Mais je me disais après ce diplôme j’arrête la cuisine. » Et lorsqu’il est embauché dans un gros groupe hôtelier… il refuse finalement pour retourner en cuisine !

Bordeaux sans étoile

Il enchaîne les étoilés et monte même un établissement pour Guy Martin avec une bande de copains. En 2007, son épouse qui vient d’obtenir un poste à l’opéra de Bordeaux l’embarque dans le sud-ouest. Elle est enthousiaste, lui arrive la mort dans l’âme : « Pour moi c’était une régression ! ». Il y a tout juste 15 ans, la ville comptait peu d’étoilés, il y avait très peu de turn-over. Il ne trouve pas l’établissement qui pourrait le faire vibrer : « C’est un métier de passion, j’ai préféré tout arrêter. » élude-t-il.

Il passe alors un BTS viticulture/œnologie en alternance au château Haut-Bailly. La directrice Véronique Sanders lui propose de développer une offre gastronomique au château et il crée ainsi une table. Au bout de 4 ans, il décide de développer une petite activité de négoce de vin. Une activité qu’il va exploiter avec un autre ex Haut-Bailly, Gaël Morand, et qui va s’appeler Garopapilles.

L’aventure Garopapilles

L’idée de départ est de créer une cave à vin avec une table d’hôtes. Décidés à acheter un lieu, l’opportunité s’offre à eux un jour, alors que les deux associés se réfugient sous un porche rue Abbé de l’Épée pour se protéger de la pluie. Le hasard faisant bien les choses, ils découvrent le panneau « À louer ». L’aventure Garopapilles est lancée : « Tout le monde nous disait ça ne marchera pas ». Il leur faudra 3 mois pour décoller. Mais 8 années et une étoile plus tard, Tanguy a le sentiment d’avoir fait le tour : « J’avais un plafond de verre au-dessus de la tête. On n’arrivait pas à sortir de notre concept. » Il accepte finalement une proposition d’achat refusée une première fois : « J’ai pensé c’est le moment pour moi d’arrêter la cuisine. J’ai tenu 1 an ! ».

Projet Insight

Peu avant de vendre Garopapilles, il est démarché par Grégory Gouyet. Celui-ci est psychologue spécialisé dans la santé au travail et développe une théorie : la cuisine peut être un média d’émancipation et de reprise d’activité. D’abord réticent, Tanguy va finalement lui ouvrir ses cuisines. Ensemble, ils montent le projet Insight pendant le 1er confinement, une société de formation en écologie sociale et en management durable dans les entreprises publiques et privées. Une activité bien rodée qui finance les deux autres axes : la création d’ateliers pour les enfants et l’intégration dans des tiers lieux.

De Ressources à Vivants

Une fois encore, une rencontre va précipiter l’avenir de Tanguy Laviale. Le lendemain de la vente de son restaurant, il a rendez-vous avec Maxime Courvoisier qui est sommelier et maître d’hôtel : « Je me suis dit ce type-là pourrait me redonner envie de monter un nouveau business. » Un an plus tard, Ressources ouvre ses portes : « J’ai tellement pris mon pied. Pour la première fois je me sentais libre et vraiment chez moi. » L’aventure est collective. Pour ce projet, ils sont 4 associés avec Maxime Courvoisier, Grégory Gouyet et Daniel Gallacher (chef de Racines). Un an plus tard, l’équipe s’est étoffée avec des membres de la brigade et un autre sommelier.

 La qualité de vie au travail est aussi importante que la qualité des plats qu’on sert.

Vivants a ouvert au mois de novembre, dans le quartier Saint-Pierre. Autre quartier, autre ambiance, mais toujours le plaisir : « La qualité de vie au travail est aussi importante que la qualité des plats qu’on sert. »

 Le bonheur est dans l’Assiette

Pour Tanguy Laviale, l’aventure collective continue avec l’association L’Assiette montée en septembre dernier : « Elle regroupe toutes nos valeurs. C’est le prolongement de ce qu’on a fait dans un modèle associatif et participatif qui nous permet d’avoir plus d’amplitude. Créée avec une quinzaine de bénévoles, les membres ont participé à la semaine du goût : « On a reçu 200 élèves à Darwin, lors d’ateliers : présentation des légumes de saison, analyse sensorielle, confection d’un bocal. D’autres ateliers sont organisés chaque semaine en partenariat avec le CROUS sur le thème : comment cuisiner sainement avec un petit budget dans un espace réduit. Et ce n’est que le début : « Le but final est de créer un tiers lieu à Bordeaux ou ses alentours. » explique Tanguy Laviale, « Il sera ouvert à tout le monde, aux parents et aux enfants, aux jeunes, aux handicapés, aux personnes isolées autour d’ateliers participatifs ».