« À Bordeaux, il n’y a pas que le wine, il y a aussi le spine (« vin » et « dos » en anglais, n.d.l.r.) ! », répète à l’envi Ludovic Lastennet, cofondateur et directeur général d’Implanet. « La chirurgie du rachis est une activité historique du territoire, le CHU de Bordeaux ayant été un des hauts lieux de la formation en France, avec des éminences mondiales comme le Pr Jacques Sénégas. »
Rien de plus normal, donc, qu’un tissu industriel spécialisé soit né ici, avec « des chirurgiens inventeurs » à l’origine d’entreprises concevant les premières vis et prothèses telles que Dimso, LDR Medical ou Zimmer Spine. Et que Stryker, l’une des principales entreprises de technologies médicales au monde, ait installé son usine à Cestas, où il fabrique toujours dispositifs et équipements médicaux. Si un vaste mouvement de rachats et fusions en a fait disparaître la plupart, un petit poucet créé en 2007 à Martillac par un groupe d’associés issus du métier perdure : Implanet.
Fabrication néo-aquitaine
« En 2010, nous avons été pionniers en créant un nouveau produit pour le rachis, JAZZ, un système de fusion vertébrale associé à des bandes polyester souples, permettant d’éviter l’altération des niveaux supérieurs », décrit Ludovic Lastennet, qui revendique avec son implant 70 % du marché français de la scoliose adolescente. Développeur et fabricant, Implanet sous-traite la production à des entreprises néo-aquitaines telles que Rescoll (Pessac) ou Coulot (Châtellerault).

Grâce à leurs liens souples, les implants d’Implanet évitent l’altération du haut de la colonne vertébrale. © D. R.
Pour accélérer son développement, la société entre en Bourse sur Euronext en 2011, revend en 2021 son activité genou, sa prothèse totale Madison® ayant représenté jusqu’à 4 % du marché français, puis rachète la société avignonnaise d’instrumentation OSD en 2021, afin de disposer d’une offre globale.
Capitaux chinois
Discutant avec différents repreneurs, Implanet est approché en 2022 par Sanyou Medical, deuxième plus gros fabricant chinois d’implants médicaux, fondé par deux anciens du géant américain Medtronic. « Nous avons réalisé une augmentation de capital avec droits préférentiels de souscription (DPS) pour nos actionnaires historiques. Ils conservent environ 30 % du capital en flottant, 70 % du capital restant est aujourd’hui détenu par Sanyou Medical. L’intégralité étant toujours cotée en Bourse », explique Ludovic Lastennet, qui l’affirme : « Nous restons une entreprise française et girondine, à capitaux chinois ».
La gouvernance de la société repose désormais sur Ludovic Lastennet, DG et administrateur ; Benjamin Létienne (ex-OSD) est administrateur, tout comme deux dirigeants de Sanyou ; et la présidence du conseil d’administration a été donnée à l’un des fondateurs de Sanyou.
Accords commerciaux croisés
Pour Ludovic Lastennet, ce rapprochement représente un « partenariat fondateur ». Sanyou Medical semble en effet bien décidée à soutenir Implanet dans le développement de ses produits et de sa base de Martillac, « où nous devrions installer des machines de prototypage d’ici fin 2025 », assure-t-il. Ce partenariat est aussi financier, avec des apports en capital et en fonds de roulement.
Et surtout commercial : les deux entreprises ont lancé en septembre dernier l’offre JAZZ™ Spinal System, combinant le produit phare d’Implanet et l’instrumentation de Sanyou. « Nous avons aussi des accords commerciaux croisés : ils vont distribuer nos produits en Chine, où nous espérons obtenir les autorisations mi-2025. Le potentiel est énorme puisqu’il s’agit du premier marché mondial en volume pour les chirurgies du rachis. Et nous leur avons ouvert les portes de l’Europe et des États-Unis, où nous distribuons leurs produits périphériques à l’implant », détaille Ludovic Lastennet.
Scalpel osseux ultrasonique
Implanet a, en effet, ouvert en 2016 une filiale à Boston, aux États-Unis, où elle emploie 7 personnes, qui complètent l’équipe d’une quarantaine de salariés de Martillac. Elle a signé, fin 2024, un partenariat exclusif avec Elliquence, « un des leaders américains des systèmes d’endoscopie rachidienne », pour la distribution aux États-Unis du scalpel osseux ultrasonique Oléa de Sanyou. Qu’Implanet a déjà vendu à une trentaine d’établissements français, dont la clinique Bordeaux Nord ainsi que des cliniques à Pau et Périgueux.
Produire en France des dispositions Sanyou

Dédié initialement au traitement de la scoliose adolescente, Implanet détient 70 % du marché français. © D. R.
Au 2 semestre 2025, Implanet devrait également étoffer son offre avec « l’ensemble des produits de chirurgie naviguée de Sanyou : robotique, navigation, planning opératoire… », précise Ludovic Lastennet. « Nous avons une vraie ambition : concurrencer le marché américain et conquérir le marché européen avec une offre complète », résume-t-il.
Actuellement en attente du marquage CE des dispositifs médicaux de Sanyou, afin de pouvoir les distribuer sous sa marque, Implanet affiche « l’objectif d’en rapatrier la fabrication en France chez nos partenaires », assure Ludovic Lastennet. « Nous sommes très heureux de ce partenariat avec des industriels proactifs, qui comprennent notre métier tout en nous laissant une autonomie folle », gage-t-il.
Bonne acceptation
Constatant « une très bonne acceptation des produits chinois par les chirurgiens français, ce qui nous a beaucoup surpris », consent Ludovic Lastennet, Implanet a enregistré un chiffre d’affaires de 9,4 millions d’euros en 2024, en augmentation de 26 % sur l’année, et de 66 % depuis le lancement de sa nouvelle offre.
« Nous devrions enregistrer une belle croissance en 2025 et visons la rentabilité dans les 5 ans », annonce le directeur général.