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Jean-Philippe Ballanger : un parcours multicéréales !

PORTRAIT - Arrière-petit-fils de l'inventeur des crèmes Jock, Jean-Philippe Ballanger a longtemps dirigé l'entreprise familiale avant de lancer la distillerie de whisky Moon Harbour.

Jean-Philippe Ballanger, Moon Harbour

Jean-Philippe Ballanger, Moon Harbour © D. R.

« J’ai été élevé au Jock et fini au Moon Harbour. Dans les deux cas ce sont des céréales, sauf que dans le cas de Jock elles ne sont pas fermentées. » Bordelais pur jus, issu d’une famille industrielle, Jean-Philippe Ballanger a l’esprit d’entreprendre et la répartie souriante. Sa belle réussite, s’il en a hérité pour une partie, il s’est largement engagé pour l’autre.

C’est donc Raymond Boulesque, son arrière-grand-père, qui a créé Jock, la célèbre poudre de préparation de crème vanille en 1938 à Bordeaux. Lorsque son grand-père maternel décède brutalement en 1961, la famille n’est pas prête pour cette succession. Ce sera finalement Jean-Pierre Ballanger, le père de Jean-Philippe, aide comptable chez EDF, tout juste âgé de 20 ans qui reprend les rênes de la société « Comme quoi la vie… », remarque-t-il, songeur.

Passage de relais

Jean-Pierre Ballanger va diriger Jock pendant près de 40 ans. Ses fils sont là pour faire fructifier cette entreprise qui fait partie du fleuron industriel bordelais. À son départ à la retraite en 1999, Jean-Philippe Ballanger et son frère Pascal vont la codiriger jusqu’en 2011.

C’est aussi en 1999 que la famille Ballanger franchit la Garonne pour s’installer rive droite : « Je pressais mon père (qui n’était pas très décidé) de déménager car la croissance de l’entreprise était contrainte et freinée par les locaux, explique Jean-Philippe Ballanger. On passait un cap. Il fallait qu’on se développe sur les marques de distributeur. L’outil qu’on avait était obsolète. » Ils font alors construire une usine neuve, quai de Brazza, sur un terrain de 12 000 m2 : « Ça a permis d’amorcer une croissance qui ne s’est jamais démentie ».

Dès 2011, Jean-Philippe se retrouve seul aux manettes et rachète ses parts à son frère aîné en effectuant un LBO (leveraged buy-out), avec deux partenaires bancaires minoritaires (filières du Crédit Agricole et de la Société Générale) à hauteur de 25 %. Ces années sont celles de la croissance : « la société qui faisait 1,5 million de chiffre d’affaires en 1999 a atteint 30 millions en 2022 ! »

La construction d’une nouvelle usine rive droite en 1999 a permis d’amorcer une croissance qui ne s’est jamais démentie

Passion pâtisserie

« Pendant le Covid, c’était extraordinaire ! » En pleine crise sanitaire, les ventes de Jock s’envolent. « Tout le monde regardait les vidéos de Cyril Lignac, et nous, on vendait tous les ingrédients pour faire de la pâtisserie, s’amuse-t-il. Ce sont des produits de dépannage, pas chers, qui se conservent bien et sont faciles à faire. »

Ils ont alors boosté leurs ventes avec les ingrédients : levure de boulangerie, sucre vanillé, préparations, etc. de marque distributeur. Pourtant au début ce n’est pas gagné. « Les premiers jours du confinement, il manquait la moitié du personnel. » Il lance alors des primes covid (avant le gouvernement) et retrouve son staff. « On a fait +300 % mais si on avait été plus équipé, on aurait fait +3 000 % ! »

De nouvelles habitudes de consommation ont été prises, et même si le soufflé est un peu retombé, l’entreprise est en pleine expansion. Mais tout a une fin.

L’aventure Moon Harbour

Une autre idée a germé entretemps dans la tête de cet infatigable entrepreneur. En 2013, Jean-Philippe Ballanger décide de lancer une marque de whisky made in Bordeaux, associé avec Yves Médina qui devient son directeur délégué. « J’avais découvert l’univers du whisky, avant d’entrer dans l’entreprise familiale, quand je travaillais pour Bernard Magrez. Je me suis pris de passion pour le whisky. »

En 2017, Moon Harbour voit le jour, et l’industriel continue à être sur les deux fronts durant cinq ans. En 2022, après une nouvelle offre de rachat du fonds Aquasourça, il finit par accepter pour se consacrer entièrement à son « projet passion », le développer et le finaliser. « J’ai pris cette décision qui était difficile mais que je ne regrette pas quand je vois les enjeux d’inflation de matières premières qui flambent ! Je passais mon temps à négocier avec la grande distribution. J’ai passé le cap et je m’amuse bien. »