Exilés pour certains, loin du tumulte urbain, ou en place dans une ville aux rues désertées, le premier confinement a été propice à la réflexion, voire à la remise en question.
Mais contrairement aux idées reçues, ceux qui ont sauté le pas pour changer de vie ne sont pas toujours ceux qui ont été les plus mal lotis. Isabelle Scharff, 43 ans, chanteuse dans un groupe brésilien, s’est retrouvée au chômage partiel. L’occasion pour elle de cultiver son potager en permaculture et de parfaire la culture cinématographique et musicale de ses deux garçons de 8 et 10 ans. « On ne s’est pas mis la pression, on a profité de ce temps en famille, mais ça a quand même été une grosse claque. On avait visité une maison en Dordogne quelques mois auparavant, et là c’est devenu une évidence. On a rappelé la propriétaire, elle nous a dit que la maison nous attendait. »
J’ai eu envie d’être plus en accord avec mes convictions profondes
Christophe Levéjac, 55 ans, confiné à Mérignac, a profité lui de ce temps pour suivre des formations en permaculture, et un module de Normale Sup consacré à la transition économique et énergétique dans les pays du sud. « Ça me semblait constructif, » remarque-t-il, « et je me levais à l’aube pour aller marcher en forêt. Mais au moment du déconfinement, en ayant testé le télétravail, j’ai eu envie d’être plus en accord avec mes convictions profondes ».
La découverte du télétravail, et finalement de sa facilité a été un détonateur pour Marie Viard, 28 ans, créatrice de la marque de chaussures vegan Minuit sur Terre. « J’avais intégré l’incubateur de Darwin, puis ma société s’est développée et compte aujourd’hui 5 personnes. On a senti venir le confinement, et avec mon compagnon, nous avons décidé de nous installer dans une maison familiale à la limite de la Gironde et du Lot-et-Garonne. Le confinement nous a obligés à télétravailler, et à mettre en place certains logiciels. Et on s’est rendu compte que ça marchait très bien comme ça ! ».
Ce qui a été moins le cas de Marianne Caussade, journaliste, confinée avec mari et enfant à Lacanau. « J’enregistrais mes bulletins météo, mais les logiciels de France 3 ne passaient pas bien. J’ai eu du mal à exercer mon activité tant professionnelle que syndicale ». Pourtant, lorsqu’elle revient à Bordeaux au début de l’été, elle qui était heureuse de retrouver sa ville ne s’y retrouve plus : « Je m’ennuyais ». Même chose pour Hélène Luneau, qui a passé deux mois apaisés en Charente-Maritime : « Quand j’ai retrouvé les embouteillages, le stress, la robotisation, je me suis sentie prisonnière. Je n’ai eu qu’une envie : repartir », raconte cette quinqua qui s’interroge aujourd’hui si elle va complètement sauter le pas. « D’autant plus qu’à la campagne, tout est plus facile et plus rapide », rajoute-t-elle. Christophe Levéjac a choisi lui de partir en Lot-et- Garonne en juillet. Ancien Parisien lassé de cette vie trépidante, il aime toujours Bordeaux mais trouve le contexte sanitaire bien plus anxiogène qu’à la campagne : « la perception des gens est différentes, les enjeux ne sont pas les mêmes, je n’ai pas cette sensation d’étouffement », explique ce communicant spécialisé en coaching et accompagnement de projet. S’il revient toutes les semaines pour s’occuper de son fils, il trouve d’autres manières de travailler que ce soit via Skype, Zoom et l’occupation de coworking dans la capitale girondine.
Marie Viard, elle, revenait avant le confinement tous les 10 jours environ pour retrouver ses équipes, mais trouve son bonheur à la campagne, où chaque jour, elle s’occupe de ses chevaux, chèvres, poules, chien et chat. « C’est un autre rythme, les journées sont plus longues, et le travail s’étire sur toute la semaine » explique la jeune femme qui a trouvé ainsi son équilibre.
Dans notre quête de sens, on a eu envie de partager autre chose avec nos enfants
Isabelle Scharff et son compagnon préparent quant à eux le grand départ. Dans quelques semaines, ils vont acquérir une propriété de 14 hectares en Dordogne et leur vie va radicalement changer : « On adore Bordeaux, » assure-t-elle, « ce n’est pas ce qui nous fait fuir mais le contexte géopolitique. Nous sommes très inquiets pour la planète, on réfléchit à nos démarches du quotidien et on aspire à une forme d’autonomie en cultivant légumes, céréales et plantes exotiques. On va retaper un vieux séchoir, en faire une résidence d’artiste, et une salle de spectacle pour les gens du village. » Marianne Caussade et sa famille ont fait un choix moins radical en revenant s’installer définitivement à Lacanau, tout en conservant leur activité à Bordeaux. Pourtant, l’heure (voire plus) qu’elle passe matin et soir dans les transports n’entame pas sa volonté. « Je passe deux heures par jour avec mon fils de 12 ans. C’est un moment privilégié pour tous les deux, on discute, on écoute de la musique. Chaque matin, on regarde le lever de soleil sur le lac, et c’est toujours aussi magique ». « Dans notre quête de sens, on a eu envie de partager autre chose avec nos enfants », renchérit Isabelle « leur faire découvrir une autre vie, plus proche de la nature. Pendant le confinement, je me suis réveillée un matin et je me suis dit : l’horizon est ailleurs ».
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Directrice de projet du CEP 33 (Conseil en Évolution Professionnelle de la Gironde), Alice Denmanivong décrypte le dernier baromètre OpinionWay sur l’évolution professionnelle à travers ses observations en Gironde. Professionnellement, il y a un avant et un après le 1er confinement.