Couverture du journal du 04/03/2025 Le nouveau magazine

Nouvelle-Aquitaine : le CATIE, fer de lance du transfert technologique

Le CATIE (centre aquitain des technologies de l’information et électroniques) a pour mission de faciliter le transfert des découvertes et des recherches conduites au sein des laboratoires vers le tissu socio-économique local et d’accompagner un développement économique et technologique régional.

Vincent MAYMO

Vincent Maymo © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

Alors que nos regards et nos portefeuilles se tournent chaque jour davantage vers la Californie et ses vallées siliconées, il est un autre territoire où la technologie connaît un essor pour le moins remarquable. La Région Nouvelle-Aquitaine, qui par bien des égards ressemble à sa cousine américaine, a su accompagner depuis des décennies les projets entrepreneuriaux ayant donné naissance à un écosystème innovant aux compétences numériques de premier plan.

Faits stylisés de son développement, les projets se succèdent contribuant à l’émergence de pépites dans le secteur des jeux vidéo, de la sécurité numérique, ou de la robotique entre autres. Et l’enjeu est d’autant plus important que la R&D et le transfert technologique jouent un rôle déterminant pour trouver des nouveaux leviers de croissance.

Sobriété numérique

La Région Nouvelle-Aquitaine s’engage résolument dans la transition technologique avec des solutions comme la Cité numérique, le projet ENTER sur le numérique responsable, Naos le pôle de compétences en technologies open source ou So Games l’association des professionnels du jeu vidéo, tout en s’assurant d’une conjugaison avec la feuille de route définie par NéoTerra en faveur de la transition énergétique et écologique. L’enjeu est de contribuer à un numérique plus sobre, plus social et éthique, plus ouvert et résilient.

Toujours dans cette veine de l’informatique responsable se pose également la question de la cybersécurité avec le GIP Cybermalvaillance, le club de sécurité de l’information en réseau, le campus régional de cybersécurité et de confiance numérique… Ici encore la région ne démérite pas et l’on comprend qu’une telle dynamique nécessite une coordination sans faille entre les acteurs et peut interroger le béotien sur les coulisses d’une telle réussite. Quels sont les secrets de la réussite de la transition numérique dans notre région ? Comment expliquer la capacité de notre territoire à conduire de telles initiatives ?

Le levier des clusters

Si l’on ne peut qu’inscrire l’histoire numérique néo-aquitaine dans la filiation de volontés entrepreneuriales comme celle de Nicolas Gaume avec notamment Kalisto dans les années 90, un écosystème comme le nôtre suppose aussi la convergence de volontés et une organisation du territoire. Le concept de cluster nous aide alors à mieux comprendre comment l’innovation met en relation les intelligences et les bonnes volontés en mobilisant autour d’un projet commun des entrepreneurs, des acteurs publics, des partenaires technologiques et financiers et des chercheurs universitaires.

Vulgarisés notamment par les travaux de Michael Porter dans les années 90, les clusters sont considérés comme le levier privilégié d’aide aux entreprises dans le développement de solutions que l’on parle de moyens de production, de produits et services. Les réseaux de collaboration y jouent un rôle essentiel dans l’exploitation des activités avec des chaînes. Le cluster numérique néo-aquitain apparaît bien établi sur son territoire en engageant de nombreux acteurs économiques dans une chaîne de valeur et la collaboration de réseaux locaux de soutien pour partager des informations, les connaissances et favoriser l’accès aux actifs. Des interactions fréquentes et engagées facilitent ainsi la circulation de l’information entre les entrepreneurs et leur permettent de saisir les opportunités d’innover.

Le cluster numérique néo-aquitain apparaît bien établi sur son territoire en engageant de nombreux acteurs économiques

Pour attirer des talents

Outre la présence de soutiens et le stade d’avancement du cluster, le maître de « L’avantage concurrentiel » invite aussi à tenir compte de la capacité de l’écosystème à attirer des ressources humaines, de la concentration sectorielle et du rayonnement du cluster, celui-ci pouvant avoir une portée locale, nationale ou internationale. L’université de Bordeaux et les écoles d’ingénieurs sont dans ce contexte des pourvoyeurs de talents, jeunes et moins jeunes, de premier plan. Réciproquement, la présence de débouchés renforce l’attractivité des formations pour des étudiants avertis et les formations favorisant l’accès aux ressources pour les entreprises.

Et ce territoire de connaissance fourmille d’opportunités avec le support de la région nouvelle Aquitaine, ses pôles de compétitivités dédiés et associations de professionnels comme le club du commerce connecté ou So Games, entre autres, mais aussi un écosystème financier capable d’apporter de la smart money aux projets par sa sensibilisation aux transitions : des acteurs de la finance comme BPFT (Bordeaux Place Financière et Tertiaire), la DFCG (association des directeurs financiers et de contrôle de gestion) ou l’ordre des experts-comptables, sont autant de partenaires capables d’accompagner les projets numériques et technologiques.

Pour autant, une des difficultés importantes d’une telle mise en relation tient aux différences de représentations entre ces contributions issues des mondes scientifique d’un côté, de l’entrepreneuriat de l’autre et de la finance enfin. De même, le regard porté sur l’innovation reste hétérogène, en dépit des rapprochements en cours, entre un représentant des administrations territoriales, un développeur et un acteur de la finance. L’enjeu est alors de faire converger ces vues. Il s’agit notamment d’identifier la bonne technologie, pour transférer et traduire des savoirs issus de la recherche fondamentale en des solutions opérationnelles pour les acteurs du monde socio-économique.

Un centre unique en France

Parmi les initiatives de la région, le CATIE (centre aquitain des technologies de l’information et électroniques) se distingue. Il correspond à ce que les économistes de l’innovation appellent un centre de transfert technologique, une organisation généralement rattachée à une université et ses laboratoires de recherche. En cela, le CATIE se différencie puisque « sa création en 2014 relève d’une volonté de la Région Nouvelle-Aquitaine mais également des acteurs industriels et académiques du territoire. Labellisé centre de ressources technologiques en 2022, le CATIE est unique en France par la pluridisciplinarité de ses compétences », nous explique sa directrice, Delphine Depeyras.

Sa mission est de faciliter le transfert des découvertes et des recherches conduites au sein des laboratoires vers le tissu socio-économique local, et donc d’accompagner un développement économique et technologique régional. La réussite de telles missions n’est donc possible que sur la base de relations fortes tissées avec les acteurs socio-économiques locaux, en inscrivant la démarche dans un écosystème d’acteurs régionaux.

Le CATIE assure l’adéquation entre les besoins des entreprises et la faisabilité technologique, en mobilisant des solutions issues de la recherche fondamentale au service de l’innovation. Spécialisé dans les domaines des data sciences et de l’intelligence artificielle, des facteurs humains et de la cognition, ainsi que des systèmes embarqués et objets connectés, le centre compte une cinquantaine d’ingénieurs et de docteurs intervenant à différentes étapes de maturité technologique des projets. Son efficacité repose sur le fait de placer l’humain – l’utilisateur final – au cœur des technologies dès leur conception.

Le CATIE assure l’adéquation entre les besoins des entreprises et la faisabilité technologique

Un enrichissement mutuel

Le récent recrutement de Delphine Depeyras, diplômée de l’ENSEIRB-MATMECA et docteure en mathématiques appliquées, en tant que directrice générale illustre cette dynamique. Elle a à cœur de faciliter l’enrichissement mutuel des entreprises et des filières d’enseignement dont elle est un pur produit. Elle poursuit l’œuvre de Bertrand Castagnet, directeur historique, qui a fait du CATIE un acteur incontournable du renouvellement technologique régional.

Les champs d’intervention du CATIE ont en point commun les domaines précités pour accompagner des organisations sur des problèmes très concrets : 3SqAir (solutions pour la qualité de l’air intérieur), PIXEL (optimisation des ressources des ports), LASER 4.0 (industrie 4.0 appliquée aux lasers) ou DIHNAMIC (hub de services pour les transitions numériques et écologiques dans l’industrie), en sont des exemples parlants.

Au-delà de tels projets de recherche, le CATIE intervient aussi directement pour le compte d’entreprises ou d’organisations du territoire : « Depuis la création du CATIE, nous sommes intervenus auprès de groupes importants, structurés sur le plan de la R&D, comme Ubisoft ou Thales, mais aussi auprès d’organisation à taille humaine comme l’ANPN (Association nationale des producteurs de noisettes) », nous précise sa directrice générale.

Maintenir son efficacité

Et cette mission de transfert requiert une action à plusieurs niveaux pour maintenir son efficacité : orienter la recherche fondamentale et maintenir une culture compatible avec les laboratoires de recherche, développer les axes de R&D interne et être à la pointe des dernières approches dans un secteur où tout est éphémère excepté le changement.

Cette posture lui permet d’accompagner les organisations du territoire et les services de R&D dans le développement de nouvelles solutions ou l’appropriation de technologies, d’éduquer le public aux technologies et de le sensibiliser aux possibilités qu’elles offrent.

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