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Travailleurs « indépendants » des plateformes en ligne : requalification en contrat de travail !

Par un arrêt du 4 mars 2020 (Cass. Soc. 4 mars 2020, n° 19-13.316), la Cour de cassation a ouvert un nouveau chapitre dans la problématique de la qualification de la relation entre travailleurs (chauffeurs, livreurs…) et plateformes en ligne servant d’intermédiaires, entraînant aussi des incertitudes quant à l’avenir de l’ubérisation du travail.

Me Romain PAGNAC, Avocat à Bordeaux et Chargé d’enseignement à l’Université de Droit de Bordeaux

PARTIE 2 – Par Me Romain PAGNAC, Avocat à Bordeaux et Chargé d’enseignement à l’Université de Droit de Bordeaux.

III – LES JUGES AU SECOURS DES TRAVAILLEURS DU NOUVEAU MONDE

Dans un premier temps, les juges du fond se sont montrés réticents à requalifier en contrat de travail la relation unissant les plateformes en ligne à ces nouveaux travailleurs (v. A. Fabre, Les travailleurs des plateformes sont-ils des salariés ?, Dr. social 2018, p. 547).

Ce n’est qu’en novembre 2018 que la Cour de cassation se prononçait pour la première fois sur une demande de requalification en contrat de travail, de la relation unissant une plateforme en ligne à un « indépendant », et ce, sur le fondement de l’article L. 8221-6 du Code du travail (Cass. soc. 28 nov. 2018, n° 17-20.079).

Dans cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation a estimé que la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination ». Pour apprécier ces circonstances de fait, rappelons que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain.

C’est ensuite avec l’arrêt récent du 4 mars 2020 – auquel une large publicité a été donnée (diffusion sur son site internet, communiqué de presse en plusieurs langues,(1) reprise dans son rapport annuel des arrêts essentiels) – que la Cour de cassation est venue confirmer la jurisprudence établie, requalifiant en contrat de travail la relation nouée entre les travailleurs et les plateformes en ligne, et ce, au regard tant du lien de subordination existant, que des pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction à disposition de ces plateformes en ligne pourvoyeuses de main d’œuvre.

Dans un premier temps, les juges du fond se sont montrés réticents

D’une part, le Premier Avocat général dans son avis – suivi par la Cour de cassation dans son arrêt – rappelle la place incontestable du statut de travailleur indépendant dans l’arsenal juridique français, en ce compris la présomption de non-salariat de l’article L. 8221-6 du Code du travail.(2)

D’autre part, en prenant cette position, la Cour de cassation entérine une vision rigoureuse de la subordi- nation juridique consécutive d’une relation de travail salariée.

C’est là une décision logique s’inscrivant dans le sillage d’une jurisprudence liant le travail salarié à la situation de subordination.

À côté de cette volonté de protection de ces « faux indépendants », la position de la Chambre sociale se justifie d’autant plus du point de vue de l’égalité de traitement avec les sociétés disposant de travai…