Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

Vacances spirituelles en Gironde

Qu’elles aient lieu dans des monastères et des abbayes ou à l’autre bout de la terre, les retraites spirituelles sont un moyen de faire une pause dans son quotidien. La Gironde offre de multiples propositions de séjours spirituels. Un phénomène en plein essor.

retraite spirituelle

© Voyages Intérieurs

Il est 5 heures. Ce n’est pas Paris qui s’éveille mais les sœurs de l’abbaye Sainte-Marie du Rivet en Gironde. Les hôtes ne sont pas tenus de venir à ce premier office, dit de nuit. « Ils sont peu nombreux à le faire, témoigne Augustin Marbacher directeur des partenariats de l’association parisienne Ritrit, pourtant, pour l’avoir vécu, c’est une expérience extraordinaire de se retrouver dans une église très présentielle en compagnie de la communauté. »

La cloche sonnera bien pour l’office des laudes (prière du matin) de 7h30. Chaque retraitant peut y assister car en faisant le choix d’accomplir une retraite spirituelle, il intègre aussi la vie de la communauté. « Cette vie est rythmée par les cloches qui marquent les temps de travail et de prière, ainsi que les repas qui sont sacralisés », remarque Augustin Marbacher. « Chaque hôte peut assister aux prières et participer au travail manuel ». La démarche d’aller passer un séjour dans une abbaye, c’est avant tout retrouver du temps pour soi : chaque retraitant choisit ses activités : la promenade, la lecture, les rencontres avec les moines ou les religieuses, la participation au travail du lieu, ou encore le choix du silence et de la solitude.

Abbaye 2.0

Fondé en 2018 par deux jeunes croyants, Valentine Dehont et Nicolas Chatain, Ritrit a souvent été présenté comme le Airbnb des retraites : « en un clic, on contacte un frère ou une sœur hôtelier », confirme Augustin Marbacher. Association à but non lucratif en association avec le collège des Bernardins, Ritrit fonctionne grâce aux contributions volontaires de mécènes et de retraitants. Le projet est double : d’un côté le site Ritrit qui propose un site Internet et un outil de gestion des réservations aux communautés religieuses désireuses d’accueillir des retraitants pour des séjours spirituels, de l’autre Prixm, un site pour redécouvrir la bible.

Mis en ligne en 2019, le site Ritrit comptait au départ 4 abbayes, jusqu’à atteindre 110 lieux de retraites actuels

Sainte Marie du Rivet

Sainte Marie du Rivet, en Gironde © Ritrit

Mis en ligne en 2019, le site comptait au départ 4 abbayes, jusqu’à atteindre 110 lieux de retraites actuels. « On a constaté qu’il y avait une grande soif de ressourcement et de silence chez les jeunes les plus citadins », relate Augustin Marbacher, « L’abbaye souffrait d’une image un peu austère, on a décidé de mettre en lien ces deux mondes opposés ». Pour autant le site ne gère pas les réservations : le retraitant est directement mis en relation avec l’abbaye concernée. L’aventure a eu du mal à démarrer, les frères et sœurs peinant à se mettre au digital : « le temps monastique n’est pas celui de la start-up », sourit Augustin Marbacher, mais le phénomène a pris de l’ampleur : « Ils sont souvent âgés, manquent d’organisation. On offre des outils pratiques dans la gestion hôtelière. » Ils sont désormais 6 à travailler à temps plein sur la plateforme.

Travail à l’abbaye

Un séjour à l’abbaye – d’une durée moyenne de 5 jours – requiert également un engagement de la part du retraitant. En intégrant la vie monastique, il doit suivre un certain nombre de règles, dont celle de prendre ses repas au réfectoire avec les moines et religieuses qui observent le silence.

Les hôtes ont quant à eux la possibilité d’échanger mais ils doivent se plier aux horaires. Et ils doivent respecter le silence absolu de la nuit : après le dîner (généralement à 19h) suivi d’un dernier temps de prière dans le noir (pour préparer au sommeil) c’est le grand silence jusqu’à l’office des laudes. Les hôtes peuvent également participer au travail manuel : l’entretien du jardin et du bâtiment.

À l’abbaye d’Échourgnac, à la limite de la Gironde et de la Dordogne, on pratique la permaculture et le wwoofing : un réseau de fermes biologiques dont le principe est que les hôtes (les sœurs dans ce cas) se proposent d’accueillir des Wwoofers pour partager leur savoir-faire, leur quotidien et leurs activités avec la possibilité pour ces derniers de se voir offrir le gîte et le couvert. À Échourgnac, on fabrique également du fromage, dans la petite usine d’affinage construite sur le lieu, ainsi que des pâtes de fruits et de la confiture.

De jeunes retraitants

La plupart des séjours ont lieu dans des abbayes bénédictines ou cisterciennes, qui ont cette vocation d’hospitalité et illustrent le cadre le plus typique, mais d’autres communautés plus nouvelles (fondées après Vatican II – en 1965, NDLR) mêlant religieux et familles peuvent également accueillir des retraites. Actuellement, Ritrit enregistre 5000 demandes mensuelles. La retraite spirituelle est une vraie pause dans son quotidien. Le cadre qu’offrent les abbayes et monastères est propice au recueillement et au ressourcement.

Dans les abbayes, 60% des retraitants ont moins de 39 ans !

Besoin de déconnexion, de retour au vert, recherche de spiritualité, le Covid a encore accéléré le phénomène. Il y a aussi ceux qui se posent des questions sur la foi et qui peuvent échanger avec leurs hôtes. Mais aussi beaucoup d’étudiants qui profitent du silence pour réviser : 60% des retraitants ont moins de 39 ans ! Quant à l’aspect financier, les monastères ne sont pas soumis à un tarif, selon la règle de Saint-Benoît, chacun donne à l’issue de sa retraite en fonction de ses besoins : « L’important est que chacun puisse profiter du séjour » remarque Augustin Marbacher.

Le mystère du désert

Changement de décor chez Voyages Intérieurs où la retraite n’est pas religieuse mais tout aussi spirituelle. « On crée des concepts, des voyages sur mesure où se rencontrent une thématique, un lieu et un intervenant », souligne Gaspard Dubois, actuel dirigeant de cette agence bordelaise spécialisée dans les voyages spirituels et initiatiques.

Tout a commencé à la fin des années 70 lors d’un voyage dans le désert du Sinaï. Guillaume Dubois, le père de Gaspard, est fasciné par le désert. Il organise alors des voyages dans différents déserts avec ce besoin de contemplation et de recherche de sens. C’est la rencontre avec Jean-Yves Leloup, théologien et prêtre orthodoxe, en 1995, qui marque un vrai tournant : ensemble ils commencent à organiser des voyages spirituels dans le désert. « J’ai participé à plusieurs reprises à Pâques dans le désert, ouvert à toutes les religions, autour du jeûne et du Carême », se remémore Gaspard Dubois.

Slow travel

Après les printemps arabes, la destination du désert devenant plus sensible, Voyages Intérieurs s’est tourné vers le reste du monde en conservant son concept de voyage en petit groupe avec un intervenant spécialiste d’un des domaines de la spiritualité. Gaspard est devenu le nouveau gérant début 2022, même si son père continue de participer à certains voyages : « C’est une transition douce, précise-t-il, les modèle s’imbriquent, il a la sagesse et l’expérience, j’ai insufflé un peu de dynamisme et d’énergie. » Il a aussi fait venir de nouveaux intervenants.

Chez Voyages Intérieurs, on a un très gros taux de fidélité avec des personnes qui ne voyagent pas habituellement en groupe

Parmi les gros défis auxquels il doit faire face, il y a le problème de l’aérien. Pas facile de conjuguer dépaysement et impact éco-responsable. Parmi les propositions à courte distance, en France et en Europe, accessible en train, l’agence développe un séjour de 3 jours à Lacanau autour de la méditation, avec une marche de nuit à la pleine lune. Un voyage ouvert à des débutants comme à des pratiquants réguliers.

Un modèle hybride

Pour autant, certaines destinations telles que le Japon restent toujours très prisées par un public fidèle : « il y a le sakura (cerisiers en fleurs) au printemps et le koyo (rougissement des érables) à l’automne qui sont toujours très demandés ». Une vingtaine de voyages sont organisés chaque année d’octobre à décembre et entre février et mai, un positionnement très différent des autres agences de voyage avec des propositions hors vacances scolaires. « La moyenne d’âge est entre 45 et 65 ans, majoritairement féminine. Sans faire d’analyse trop facile, ces thématiques de spiritualité attirent plutôt des femmes dans la 2e partie de vie. » La clientèle est essentiellement française, ainsi que des Suisses et Belges, donc essentiellement francophone. « On a un très gros taux de fidélité avec des personnes qui ne voyagent pas habituellement en groupe. »

C’est un modèle un peu hybride : des voyages en petits groupes – une quinzaine de personnes – avec beaucoup de temps individuel. « Avec des accompagnants très renommés, on peut monter très exceptionnellement à 35 personnes », détaille-t-il. Activité de niche, Voyages intérieurs ne veut pas être assimilé à de l’ésotérisme ou à des séjours de yoga, incluant toujours une partie spirituelle. Et de conclure : « On a un concept qui est fort, qui existe depuis plusieurs décennies, avec des intervenants de référence, portant sur la réflexion et la spiritualité ».

SÉJOURS À L’ABBAYE EN GIRONDE

Sur Ritrit, 3 lieux accueillent pour des retraites en Gironde :

L’abbaye Sainte-Marie du Rivet (qui compte 166 demandes de réservation depuis le début de l’année)

Le Monastère des Carmes de Broussey à Rions (73 demandes)

Le Centre spirituel La Solitude à Martillac (pas encore référencé)

Sans oublier l’abbaye d’Échourgnac à la frontière entre la Gironde et la Dordogne (291 demandes)