Couverture du journal du 19/04/2024 Le nouveau magazine

2020 sans éclat

Ni rebond époustouflant, ni dépression insondable. L’Insee prévoit pour 2020 une économie en demi-teinte et un taux de chômage en légère baisse. Dans de nombreux secteurs se manifestent déjà des pénuries de main d'œuvre.

« Clair-obscur ». C’est le titre de la note de conjoncture de l’Insee pour le début de l’année 2020. Une peinture en clair- obscur « est faite de contrastes, de lumière tamisée. On y observe des sources de lumière, mais pas de grand soleil ». Dans une tentative de description poétique, Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’institut des statistiques, présente les grandes tendances de l’économie française. La croissance, indicateur auquel les décideurs économiques et politiques demeurent très attachés, connaîtrait une régularité de métronome : 0,3 point pour chaque trimestre entre début 2019 et la mi-2020, à l’exception du premier trimestre de l’année qui vient, pour lequel l’Insee prévoit une progression de 0,2 %. Après une croissance de 1,3 % en 2019, l’Insee table sur un acquis à la fin du premier semestre de 0,9 %.

CONTEXTE INTERNATIONAL PLUS APAISÉ

Si les incertitudes n’ont pas manqué en 2019, des appréciations plus optimistes sont également discernables. Avec la large majorité obtenue par le conservateur britannique Boris Johnson à la Chambre des communes, Julien Pouget admet que « la perspective d’un Brexit sans accord semble s’éloigner ». Les tensions commerciales entre l’Amérique de Trump et la Chine de Xi Jinping pourraient, par ailleurs, prendre fin. « Les États-Unis ont soufflé le chaud et le froid, mais semblent désireux de conclure un accord avant l’élection présidentielle de novembre 2020 », écrivent les conjoncturistes, confiants dans la capacité de Donald Trump de présenter une ligne cohérente… Plusieurs indicateurs reflètent un soutien à l’économie mondiale : « la stabilité des prix du baril de Brent, la baisse continue du taux de chômage dans les pays riches, l’inflation faible dans la zone euro et aux États-Unis », énumère Thomas Ouin-Lagarde, chef de la section environnement international de la zone euro, à l’Insee. 

En Europe continentale, cette ambiance tamisée amène l’institut à estimer que « l’économie ne ralentirait pas davantage, voire accélérerait légèrement d’ici à la mi-2020 ». L’économie allemande affiche, certes, une petite forme par rapport à ses voisines, avec une production industrielle en berne, qui se maintient ailleurs. Les conjoncturistes rappellent que, chacun à leur manière, les principaux pays de la zone monétaire ont mis en place des dispositifs de soutien à la consommation. En France, il s’agit des mesures, chiffrées au total à 17 milliards d’euros, annoncées par le président Macron après les premières violences des Gilets jaunes, en décembre 2018.

UN EFFET « GRÈVES » LIMITÉ

Certes, constate l’Insee, une partie de ces sommes se réfugient dans l’épargne, déjà très élevée en Europe. La confiance des ménages demeure toutefois suffisamment soutenue pour alimenter la consommation, « qui continuerait à progresser à un rythme régulier, y compris fin 2019, malgré le recul des dépenses de transport sous l’effet des mouvements sociaux », écrivent les conjoncturistes dans leur note. « Il est un peu tôt pour connaître l’impact des grèves sur l’économie, surtout si elles se prolongent au-delà des vacances de Noël », décrypte Julien Pouget. Suite au mouvement social de la fin 1995, qui demeure la référence historique en la matière, l’économie française avait perdu 0,2 point de PIB, rappelle le chef du département de la conjoncture. Mais depuis, l’économie française a changé. « La production industrielle avait alors été beaucoup plus affectée », assure le responsable. D’autres mouvements, plus récents et moins massifs, s’étaient traduits par des pertes de 0,1 point.

IMPACT DES ÉLECTIONS MUNICIPALES

En 2020, l’activité intégrera aussi les conséquences des élections municipales. « Cette échéance pèse lourdement sur les investissements des administrations », observe Frédéric Tallet, chef de la section synthèse conjoncturelle à l’Insee. En moyenne, les investissements des collectivités locales représentent, depuis les années 1970, environ 2 % du PIB, davantage que ceux des administrations publiques centrales. Mais, cette activité varie en fonction des cycles électoraux, et en particulier celui des communes. Les années qui précèdent les élections municipales, « la production dans la construction augmente de 2 points de plus que le rythme annuel, tandis que le secteur embauche en moyenne 17 000 personnes de plus ». En revanche, à l’approche immédiate des élections, ce surcroît d’activité disparaît très rapidement. Le dynamisme ne revient qu’une année plus tard et atteint son plein régime à mi-mandat, en l’occurrence en 2023.

LENTE DÉCRUE DU CHÔMAGE

Tous ces indicateurs permettent à l’Insee de prévoir une nouvelle baisse du taux de chômage, qui se fixerait à 8,2 % au printemps. Mais, cette lente décrue s’accompagne d’importantes pénuries de main d’œuvre, notamment dans le secteur de la construction. « Mi-2019, la proportion d’entreprises signalant une pénurie est au plus haut », indique l’Insee. On retrouve un lien entre baisse du chômage et main d’œuvre manquante dans tous les pays riches. Mais, en France, il est observé dès que le taux de chômage descend au-dessous de 10 %. La croissance ne suffit manifestement pas à garantir un emploi qui convienne à chacun.