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Bâtiment / Gironde : La reprise prendra du temps

Comme tous les autres secteurs sinistrés par la crise sanitaire, le bâtiment entame sa phase de déconfinement. Reprise des chantiers avec mesures sécuritaires, prise en charge des surcoûts… Marie-Ange Gay-Ramos, présidente de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) Gironde répond à nos questions.

Echos Judiciaires Girondins : Comment se porte votre filière ? La conjoncture était semble-t-il très bonne avant le confinement…

Marie-Ange Gay-Ramos : « L’activité était plutôt favorable après 10 ans de crise (2008-2018). Avec une grosse augmentation de construction des logements, on avait des carnets de commande bien remplis, en moyenne entre 6 à 8 mois, et jusqu’au-delà d’une année pour certains. Tous les signaux étaient revenus au vert. On avait réembauché, car on avait une vraie visibilité, qui n’existe plus. Nous sommes à 95 % d’arrêt des opérations. C’est nous qui avons pris la décision d’arrêter nos chantiers après le message « Nous sommes en guerre. Restez chez vous ». Le lendemain, nous recevions un mail de fermeture d’entreprise ou d’arrêt de chantier toutes les deux minutes. Ça fait 22 ans que je suis dans le bâtiment, on n’avait jamais vu ça. Fermer son affaire, c’est une des décisions les plus dures à prendre pour un chef d’entreprise. Deux mois après, on est encore à 60 % de fermetures. Au national, on annonce 50 % de reprise des chantiers, mais nous sommes sans doute en dessous en Gironde. Pour établir ce pourcentage, on se fixe sur les demandes d’activité partielle. On est en train de reprendre peu à peu les chantiers en dégradé. Le manque de matériel de protection (masques, gants, visières, combinaisons pour certains) est un autre frein à la reprise ». 

EJG : Le déconfinement a donc démarré depuis lundi dernier ? Les chantiers reprennent-ils tous ?

M-A. G-R. : « Non pas forcément. Ça va continuer en dégradé jusqu’à la fin du mois. Après cette première semaine de déconfinement à 50 % d’activité, je pense qu’on va passer à une reprise plus forte au début du mois de juin. Si les entreprises ont les équipements, il faut reprendre. Sinon, on court à la catastrophe sanitaire. Même avec les reports de charges et les autres mesures, il faut reprendre les opérations pour pouvoir facturer… Cet été sera différent des autres, les entreprises vont tenter de rattraper deux mois de chiffre d’affaires à zéro ».

EJG : On parle beaucoup des surcoûts de chantier dus aux mesures barrières. Comment abordez-vous cette question ? 

M-A. G-R. : « C’est au cas par cas. Il faut échanger avec le maître d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre avant de reprendre les opérations. La rentabilité d’une entreprise de bâtiment est autour de 1 à 2 %. Maintenant, ce sera encore plus dur. Les entreprises n’ont pas les moyens d’absorber ces surcoûts évalués à 10 % environ. La meilleure solution serait que le maître d’ouvrage prenne à sa charge le nettoyage en créant un lot supplémentaire Covid, ça réglerait bien des choses. Sur les petits chantiers, c’est envisageable, mais c’est plus compliqué sur les gros. Nous avons signé le 4 mai une charte Nouvelle-Aquitaine avec une douzaine de partenaires (FFB, Capeb, BTP, constructeurs, architectes, ingénieurs, géomètres, etc.). Celle-ci concerne les négociations de délais de chantier, la prise en charge partagée des surcoûts, la réorganisation des plannings, l’élaboration des plans de prévention, le recours à la médiation, etc. Les parties prenantes se sont engagées à étudier la prise en charge partagée et proportionnée des coûts induits, grâce à la signature d’un accord amiable (protocole ou compte rendu de réunion de concertation). Nous espérons bien arriver à y impliquer le maximum d’ouvrages girondins. »  

EJG : Avez-vous des protocoles d’hygiène spécifiques ?

M-A G-R : « Nous avons un guide des bonnes pratiques rédigé par l’OPP.BTP avec les organisations professionnelles et syndicales, et validé par le ministère du Travail. On a tous envie de reprendre, mais il faut le faire dans le strict respect des règles sanitaires, pour la protection de nos salariés qui reste notre priorité. C’est au cas par cas, mais c’est quand même plus simple sur les petits chantiers, où il y a peu de co-activité. Quand il y a plus de monde, il faut un cheminement au sol. On s’adapte, si on ne peut pas respecter la distance d’un mètre, il faut porter un masque et des lunettes. Il y a beaucoup de choses à mettre en place, comme le nettoyage régulier des poignées. »

EJG : Où en est la commande publique ?

M-A. G-R. : « Pour les travaux programmés, on est en lien avec Bordeaux Métropole, et le Conseil départemental reste très actif, mais on voit bien que les opérations ont du mal à sortir. Nos entreprises ont fait moins de chiffrage pendant les deux mois qui viennent de passer. C’est national, il y a beaucoup moins de dossiers. On essaie d’intervenir pour que les travaux d’été puissent se poursuivre, en particulier sur des communes qui évitent les travaux à cette période comme celles du littoral. On leur demande de faire un effort. Le Conseil régional a fait le boulot pour les lycées, le Département pour les collèges et les communes pour les écoles pour que les travaux prévus soient maintenus pendant l’été. »

EJG : Avez-vous fait des propositions aux pouvoirs publics ?

M-A. G-R. : « On est en relation toutes les 2 semaines avec le Comité Local de relance mis en place par la préfecture. On a fait des demandes pour que les permis de construire en cours d’instruction ou arrêtés puissent reprendre leur cours. Il faudrait plus de personnel pour traiter les demandes le plus rapidement possible. C’est le même sujet pour les architectes : les dossiers de concours sont stoppés, il faut que ça reprenne. Ça fait partie des freins : il faut avant tout penser à la reprise : elle commence en mai-juin mais se poursuivra jusqu’à la fin de l’année ».