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Situations professionnelles : les raisons de la colère

Nombreuses sont les situations professionnelles qui occasionnent un ressenti intense de colère. Jusqu’au jour où nous nous sentons si profondément blessés, où notre douleur est tellement immense et insupportable que naît le désir et/ou l’acte de vengeance.

colère

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À l’origine : une colère intense

La colère est cet état affectif violent et passager qui résulte du sentiment d’un dommage subi d’ordre matériel, financier, affectif, relationnel, physique. Cette émotion se traduit alors par une vive contrariété et s’accompagne de réactions biologiques brutales, verbales et/ou non-verbales. Elle est liée à différents stimuli : frustration, injustice, insatisfaction, menace, remise en cause, préjudice, agression, offense, limite non respectée, risque… Elle révèle notre besoin de changement, respect, réparation, justice. Elle est dite fonctionnelle lorsqu’elle permet de montrer ses limites et se faire entendre.

 

Quand la colère dysfonctionne…

Elle devient dysfonctionnelle lorsqu’elle se transforme en amertume, rancœur, ruminations, épuisant notre énergie et freinant nos avancées. Et lorsqu’elle génère une violence démesurée et inappropriée contre soi, autrui ou les objets. Sa forte intensité peut nous faire ressentir exaspération, révolte, bouillonnement intérieur, rage, furie, haine, prêts à exploser. C’est là que le désir et/ou l’acte de vengeance naît.

 

Le désir de vengeance prend sa source…

…dans des situations classiques de notre vie personnelle et professionnelle, en public ou en privé : injustice, préjudice matériel ou financier, abus de pouvoir, harcèlement, trahison, tromperie, mise au placard, humiliation ou diffamation, rupture ou rejet (couple, partenariat, contrat), menace ou chantage, refus d’une promotion tant espérée, licenciement pour faute inexistante, acte de cruauté, erreurs médicales, meurtre d’un proche … Qui n’a malheureusement pas un jour vécu l’une des situations ci-dessus ?

 

Représailles, rétorsion, riposte, vendetta !

Les synonymes et définitions de « vengeance » ne manquent pas : « action de se venger, de se dédommager d’un affront ou préjudice » dit le Larousse. « Action par laquelle une personne offensée, outragée, lésée, inflige en retour et par ressentiment un mal à l’offenseur afin de le punir, de lui rendre le mal pour le mal, et de le faire souffrir autant que soi », dit le CNRTL. Il est bien question ici de nuire à l’autre pour restaurer notre être offensé et/ou endommagé, de réclamer justice, de déclamer le droit à notre façon !

 

Quelle perception de la situation ?

Chacun/e de nous réagira en fonction de son histoire de vie, de sa confiance en soi, de son interprétation de la situation, des réminiscences de son passé que son cerveau amalgame parfois à tort et à raison avec la situation présente, augmentant alors sa souffrance. De là à imaginer l’intention mauvaise et vicieuse de l’autre, il n’y a qu’un pas que nous franchissons volontiers ! Tout l’enjeu est alors de ne pas rester focalisé sur le négatif pour lequel notre cerveau a une appétence certaine.

 

Le spectacle de la vie !

Les séries télévisées et films qui nous attirent au cinéma sont riches en vendettas et terribles machinations, dont nous raffolons ! Tout comme les pièces de théâtre, opéras et romans écrits par des auteurs avides de montrer le tragique des relations humaines. Quelles leçons en avons-nous retirées ?

Tout l’enjeu est de ne pas rester focalisé sur le négatif pour lequel notre cerveau a une appétence certaine

Une escalade de violence dans la tête

Blessés, nous ne voulons surtout pas oublier ni pardonner, débordés par l’envie de le mordre pour nous avoir fait si mal : œil pour œil, dent pour dent ! Ce désir de vengeance qui trotte dans notre mental mobilise toutes les ressources de notre cerveau et corps, cédant la place aux ruminations, maux divers, insomnies… On ne vit plus ! On échafaude des scénarii de règlement de compte à celui qui nous fait tant souffrir, à la hauteur de notre ressenti d’être humain nié ou piétiné par cet autre être humain inhumain, qui a rouvert une blessure (presque) oubliée.

 

Impossibilité de se concentrer

Notre désir de vengeance nous prend littéralement tête et énergie, empêche toute concentration, du moins les premières heures, abaisse notre efficacité et productivité. Et lorsque se concentrer à nouveau sur nos dossiers, notre entourage, nos loisirs ou un bon film devient possible, le désir de vengeance pointe à nouveau le bout de son nez dès l’activité terminée. La plaie reste ouverte, et le processus de deuil dure des jours ou des semaines, voire des années ou toute une vie.

 

Un espoir illusoire de réparation

Quant à ceux qui se vengent effectivement, leur soulagement sur le moment n’est, paraît-il, que temporaire. Pas de consolation ni réparation. Quel sens cela a-t-il de déroger aux règles morales et de bienséance, et de mettre en avant son côté sombre et répréhensible ?

 

La vengeance = une réaction primaire…

Pour la plupart des gens, la vengeance révèle une pathologie, considérée comme anormale. Alors qu’en fait, elle relève d’un mécanisme inconscient de réaction primaire, une pulsion de défense, qui prend sa source dans l’une de nos blessures existentielles, et nous laisse penser et croire que nous pourrions guérir en rendant la pareille à l’autre. Nous ne sommes que des animaux humains ! Le désir de vengeance est donc tout à fait normal en cela qu’il reflète et respecte le principe de la réciprocité par son côté négatif, tout comme la bienveillance par son côté positif. Cependant, il n’a rien à voir avec sa mise en œuvre : ce sont 2 comportements différents qui ne vont pas de pair. S’il est normal d’éprouver, ne serait-ce qu’une minute, une envie de faire ressentir à son offenseur-agresseur la douleur que nous vivons, la plupart d’entre nous, fort heureusement, ne passerons jamais à l’action, à la fois conscients de l’illusion de son pouvoir réparateur et que c’est contraire à la morale et à la religion.

 

Un lien avec l’enfance

Ainsi, rares sont ceux qui l’expriment à leur entourage, par peur d’être évincés. Car la notion de vengeance parle finalement de notre peur de perdre la face, peur de manquer ou perdre, peur de l’abandon ou du rejet, peur de l’isolement et de la solitude. Cela ravive nos blessures conscientes et inconscientes enfantines.

 

Un lien avec l’estime de soi

L’enjeu est d’adopter une posture cohérente au quotidien, et notamment au travail : se rabaisser à la vengeance ou s’élever à un comportement intelligent ? Se laisser dévorer par les flammes de la colère, ou s’offrir un temps d’introspection ? Se laisser aller à la dépression et à la victimisation, ou bien se donner des chances d’avancer à nouveau ?

 

RÉGULER RAISON ET ÉMOTIONS

Il s’agit bien là de revenir à un état plus serein, en gardant à l’esprit que certaines conduites ci-dessous ne sont parfois pas envisageables ou pas souhaitables, voire tout simplement impossibles lorsque l’offenseur-agresseur est un inconnu.

Dans tous les cas, c’est le moment de se faire accompagner par un thérapeute ou coach professionnel, pour comprendre, changer de perspective, remettre du sens dans le non-sens, trouver d’autres repères et en retirer un apprentissage positif qui permettra de revenir du côté de la vie. La finalité étant de se faire du bien.

  • Cesser d’idéaliser les autres en acceptant que chacun/e a une part sombre : morale et empathie défaillantes, absence d’humanité, méchanceté gratuite…
  • Calmer sa colère en la soignant par l’accueil de ladite émotion, l’écoute de son message en termes de besoins fondamentaux et valeurs à combler à l’avenir.
  • Identifier et soigner les réminiscences de son passé : frustrations, non-dits, traumatismes dont la charge émotionnelle se rejoue de manière répétitive et disproportionnée en soi et amène à pleurer sur son sort, tel Caliméro. C’est le moment d’accepter de prendre sa part de responsabilité en se référant au concept du Triangle Dramatique de Karpman : « Persécuteur – Sauveur – Victime ».
  • Dire ou écrire sa colère à l’autre et décrire le mal ressenti. Peu importe que l’autre soit, ou pas, en capacité d’entendre.
  • Tenter de comprendre les motifs de l’offenseur en le questionnant, avec empathie de préférence pour obtenir des réponses.
  • Demander un changement de comportement, réparation ou dédommagement à l’offenseur.
  • Oser écouter son intuition à l’avenir, lorsqu’elle nous souffle que l’autre n’est pas quelqu’un de « bien », sans intérêt ou malsain. Et s’en écarter. Puis rechercher les relations qui respirent la bienveillance pour se ressourcer.
  • Collectionner les émotions agréables : respiration et méditation, grand air et nature, amitié et L’idée ici est de se reconnecter à son MOI profond et de bichon- ner son cerveau.

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