[ La relève ] Mérignac : Nova Carbon invente une fibre de carbone recyclée et performante

« Les moins de 30 ans sont peut-être un peu plus sensibles aux sujets environnementaux. En ce qui me concerne, je voulais combiner ma spécialité avec un respect plus fort de l’environnement. » En tant qu’ingénieur aéronautique spécialisé dans les matériaux composites, pour Hugo Cartron, le sujet était tout trouvé. L’utilisation de la fibre de carbone, plébiscitée dans une multitude de secteurs pour sa performance et sa légèreté, est exponentielle. Sa production est en revanche énergivore, très émettrice de CO2 et la matière difficile à recycler.

Un matériau composite contient de la fibre de carbone et de la résine. Or les technologies qui existent dégradent la fibre qui est, de ce fait, recyclée à moins de 10 % », explique Hugo Cartron, cofondateur et président de Nova Carbon. Dès lors, l’enjeu consistait à développer une technologie de recyclage des fibres de carbone qui préserve les performances du matériau.

Sa technologie brevetée repose sur un procédé de détissage et de réalignement des fibres carbone pour les régénérer en de nouveaux matériaux de haute performance. © Nova Carbon

Un transfert de technologie

C’est précisément ce sur quoi travaillait depuis plus de 10 ans une équipe de chercheurs de l’institut de mécanique et d’ingénierie de l’Université de Bordeaux. « J’arrivais en 2022 avec une équipe motivée, un prototype machine, des brevets mais une technologie pas encore assez mature pour être rachetée par un grand groupe. Pas de modèle économique non plus, pas de liens avec des investisseurs ni même avec l’industrie, pas de cofondateur. Il y avait tout à faire. »

Hugo Cartron relève pourtant le défi dans le cadre d’un transfert de technologie. Il intègre l’incubateur ChrysaLink de la SATT Aquitaine Science Transfert et s’associe à Vincent Gamboa, un entrepreneur déjà engagé sur le sujet. « Il m’inspire beaucoup », reconnaît Hugo Cartron. Leur duo est complémentaire, ce qui constitue un atout. « Les fonds investissent en premier lieu dans des personnes », insiste Hugo Cartron. Fin 2023, après un an et demi de structuration du projet, la société est finalement créée. « Entre-temps, j’ai pu bénéficier du chômage pour création d’entreprise. Je le précise car cela a été différenciant. C’est un point fort pour les entrepreneurs français », explique-t-il.

Industrialiser début 2026

Installée à Mérignac, la société dispose désormais de deux ateliers où est installée la ligne pilote. La technologie repose sur un procédé de détissage, sans broyage ni découpage et de réalignement des fibres de carbone pour les régénérer en de nouveaux textiles techniques. « La ligne évolue très vite pour produire une matière de plus en plus stable et homogène. » L’objectif désormais est de continuer à améliorer la technologie, développer la gamme de produits et industrialiser le procédé début 2026, ce qui nécessitera une nouvelle levée de fonds. La jeune pousse qui travaille, à ce stade, avec une vingtaine de clients industriels cible en priorité le monde du sport, le luxe, le design, le nautisme. « Nous visons l’aéronautique dans cinq à dix ans. C’est notre cap technologique. »

La fibre de carbone recyclée sous forme de tissu. © Nova Carbon

En 2032, Nova Carbon entend atteindre une capacité annuelle de recyclage de 3 000 tonnes de déchets carbone, ce qui correspond à 77 millions de kg de CO2 évités, 16,4 millions de m³ d’eau et 1 milliard de ressources fossiles économisés. « On ne se bat pas seulement pour des objectifs d’image ou de croissance mais parce qu’on va vivre personnellement les conséquences des choix industriels faits aujourd’hui. »

L’atout jeunesse

Son jeune âge, Hugo Cartron ne le considère pas comme un frein mais plutôt comme un avantage. « C’est un projet à risque que je peux me permettre de prendre dans la mesure où je n’ai pas encore fondé de famille. Je peux apporter une intensité d’effort plus importante. » Dans sa relation aux investisseurs, il assure n’avoir pas ressenti de mépris du fait de son âge. D’un point de vue professionnel, c’est même une chance.

« Quand on est jeune, on a tendance à rester dans un grand groupe dans des hiérarchies assez basses, alors qu’en tant que fondateur d’une start-up on évolue toute de suite dans des strates assez hautes », confie celui qui fait désormais moins de technique. Il dirige, gère les aspects financiers et stratégiques de Nova Carbon. Il est en contact avec les clients. « La technique est vitale, c’est le cœur, mais il n’y a pas que ça ! »