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Démembrement de propriété : Les donations de biens et droits immobiliers

CHRONIQUE DES NOTAIRES DE LA GIRONDE - En droit français, le recours au démembrement de propriété pour la transmission du patrimoine immobilier est une tradition bien ancrée depuis l’origine du Code civil. Tour d’horizon.

Démembrement de propriété, Bastien NORMAND

Me Bastien NORMAND, notaire à Bordeaux © Louis Piquemil - Echos Judiciaires Girondins

La pleine propriété d’un bien c’est le droit d’en jouir et d’en disposer de la manière la plus absolue. Elle se divise en deux :

– l’usufruit qui permet d’utiliser un bien pour l’habiter (usus) ou en percevoir les fruits comme les loyers (fructus) mais sans pouvoir en disposer. L’usufruit est par nature temporaire et le plus souvent viager lorsqu’il s’éteint au décès de l’usufruitier ;

– la nue-propriété qui est la disposition du bien sans la jouissance.

Lorsque ces deux prérogatives ne sont pas réunies dans une même main, on parle de démembrement de propriété entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. Habituellement, c’est un acte étroitement familial : les parents donnent la nue-propriété d’un bien immobilier aux enfants et se réservent l’usufruit leur vie durant. Au décès du deuxième donateur, cet usufruit s’éteint au profit des donataires qui récupèrent le bien en pleine propriété sans formalités ni taxation.

 

Pourquoi faire une donation en démembrement ?

C’est un moyen de donner sans se démunir. La donation de la nue-propriété permet de continuer de garder le contrôle et profiter de ses biens immobiliers tout en anticipant sa succession à moindre coût. À l’inverse, la donation d’un usufruit temporaire autorise la personne gratifiée à occuper le bien pour sa résidence principale ou secondaire ou encore à percevoir les loyers pendant une durée fixe ; le donateur conserve alors la nue-propriété du bien et récupère automatiquement l’usufruit à l’issue de la période convenue.

À noter que l’usufruitier et le nu-propriétaire demeurent intimement liés jusqu’à l’échéance du démembrement de propriété puisque le bien immobilier ne pourra pas être vendu sans l’accord de l’autre et qu’il n’existe pas d’indivision de sorte qu’aucune action en partage ne peut être intentée.

 

Quels sont les avantages fiscaux et comment sont évalués les biens immobiliers démembrés ?

Les donations en démembrement sont soumises au régime fiscal des droits de mutation à titre gratuit qui prévoit un abattement de 100 000 euros par parent, par enfant tous les 15 ans. Cet abattement est réduit à 31 865 euros par petit-enfant. En donnant de son vivant à ses descendants la nue-propriété (ou l’usufruit), les droits de donation sont réduits car ils ne sont pas calculés sur la valeur totale du bien mais uniquement sur la seule valeur de la nue-propriété donnée (ou l’usufruit).

Autre avantage : le fisc admet que le donateur paie les droits et frais d’acte de la donation sans que ces derniers soient considérés comme une donation supplémentaire. Lors d’une donation, les valeurs respectives de l’usufruit viager et de la nue-propriété sont fonction de l’âge de l’usufruitier conformément à un barème fiscal ; la valeur de la nue-propriété augmente en même temps que l’âge de l’usufruitier. Enfin, l’usufruit fixe est estimé à 23 % de la valeur en pleine propriété du bien par période de 10 ans.

 

Comment préserver les intérêts du donateur ?

Il est possible d’assortir une donation de diverses charges : l’obligation pour le donataire de loger, nourrir, s’occuper des obsèques du donateur… Par précaution, il est commun de stipuler dans l’acte une interdiction d’aliéner et d’hypothéquer ainsi qu’une clause de retour conventionnel des biens donnés soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants. Étant ici précisé qu’il existe également un droit de retour légal qui permet de reprendre les biens transmis à un enfant si celui-ci meurt sans descendant. Ce droit est limité à une quote-part d’un quart de la succession pour chaque parent en vie.

Il est possible d’assortir une donation de diverses charges : l’obligation pour le donataire de loger, nourrir le donateur…

 

Qui paiera l’entretien et les impôts du bien démembré ?

Les réparations d’entretien courantes sont à la charge de l’usufruitier. Les grosses réparations sont légalement à la charge du nu-propriétaire mais il est possible de prévoir conventionnellement l’inverse dans l’acte notarié. Le nu-propriétaire n’est généralement pas redevable des impôts. L’éventuelle taxe d’habitation est due par l’usufruitier ou son locataire. La taxe foncière est à la charge de l’usufruitier sauf convention contraire. Les revenus locatifs sont imposés au nom de l’usufruitier. L’impôt sur la fortune immobilière est en principe payé par l’usufruitier qui doit seul déclarer le bien immobilier pour sa valeur en pleine propriété.

 

Peut-on annuler une donation ?

En principe l’acte de donation est irrévocable. Ainsi le bien immobilier ne pourra pas être repris même en cas de difficultés financières. Toutefois des exceptions au principe d’irrévocabilité des donations entre vifs en cas d’ingratitude notamment sont prévues par la loi. Les conditions de ces actions en révocation sont cependant strictes et il revient au juge d’apprécier au cas par cas si elles sont réunies.

 

Quel est le rôle du notaire ?

La donation d’un bien immobilier, acte solennel doit être rédigée en la forme notariée. Le notaire vous accompagne dans toutes les étapes de la donation, vous formule ses conseils d’expert et s’assure que les dispositions sont conformes à la loi. Son intervention prévient les conflits et les problèmes de répartition entre les héritiers. Le montant des émoluments du notaire est fixé par l’État en fonction du type de donation. Le taux est dégressif et proportionnel à la valeur du bien. N’hésitez pas à demander un état de frais et conseil à votre notaire avant toute démarche.